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‘MI BESTIA’ de Camila Beltrán, un film engagé et osé sur la féminité et la sensualité, sort sur nos écrans le 4 septembre 2024
29 août 2024 à 22h35
Parabole sur la sexualité et l’éveil de la sensualité dans un corps adolescent, ‘MI BESTIA’ se veut une réflexion sur la religion et l’impact qu’elle peut avoir dans nos vies lors d’évènements qui peuvent être considérés comme anormaux, et ici ce sera une éclipse. En articulant son histoire autour d’une jeune fille, la réalisatrice nous propose une plongée dans les tréfonds de ce qui ressemble à un voyage initiatique, un conte sombre et nimbé de noirceur, se partageant entre croyance, peurs et réfutations, symptomatiques de ce ‘changement’ qui s’opère sur la jeune Mila.
La réalisatrice qui emprunte un axe qui la rapprocherait d’un film d’horreur, évoque la probabilité de l’arrivée du diable mais dans un contexte très banal, au sein d’un village, d’une province, avec des journaux qui couvrent le sujet, en faisant finalement une actualité brûlante, qui au jour d’aujourd’hui, en 2024, donne à réfléchir.
‘MI BESTIA’ de Camila Beltrán s’ouvre sur un plan superbe et d’une grande poésie, dans un format quatre tiers qui lui va plutôt bien. Si nous ne sommes pas réellement fans de ce format qui contraint d’une certaine façon l’image et l’expression cinématographique, reconnaissons que dans le même temps elle sert à focaliser l’attention du spectateur autour des éléments primordiaux.
Jouant également sur le thème de la tentation et de la sexualité, deux choses qui vont de pair avec les changements que subissent le corps et le psychisme, ‘MI BESTIA’ met en relation des thématiques fortes, évoquant le monde moderne (avec la télévision), les traditions et la vie au sein de cultures fortement impactées par le respect de la religion et l’application de règles souvent strictes et où la transgression est mal vue, lorsqu’elle n’est pas tout simplement ’condamnée’.
S’appuyant assez logiquement sur ce développement proche d’un film de genre, Camila Beltrán nous offre une histoire intéressante, sur un sujet de plus en plus fréquent aujourd’hui, encore plus lorsqu’il est traité par une femme. 'TIGER STRIPES' de Amanda Nell Eu - un film sorti en mars de cette année - avait traité de la femme, de sa place et son image au sein de la société malaisienne, et ce au travers d’une approche ouvertement fantastique et horrifique (lire l’article).
Allégorie sur la peur de ce qui doit arriver, la peur de l’autre et bien évidemment sur le ‘changement’ ; l’histoire est une métaphore sur le corps féminin, la sexualité et la vision du sang qui accompagne cette ‘mutation’ et sa perception dans nos cultures.
Et si la transformation, c’est le sang, c’est aussi parler de l’acte sacrilège lié au sexe et à ce qui est mal (le démon ou le diable), autant d’éléments qui nous renvoient de nouveau à la religion et aux écritures. Le diable, puisque maintenant il faut bien le nommer ainsi, semble être omniprésent dans ce film, au travers de maintes choses, se cachant de ci de là, dans des attitudes, dans des silhouettes entr’aperçues, dans des formes cachées par des branchages, et dans les évènements qui confrontent la jeune fille à des phénomènes étranges.
Nous aurons un regret en ce qui concerne le cadrage utilisé (clairement revendiqué par Camila Beltrán), un cadrage qui souligne des plans, où les focales imposent un peu trop de flou pour qu’on se sente totalement à l’aise finalement avec cette ambiance esthétique spécifique.
On sent bien que la réalisatrice cherche ‘l’intimité’ avec ses acteurs, en les ‘illustrant’ de telle sorte que la caméra se pose toujours avec un premier plan très flou, au-dessus d’une épaule, en épousant la courbe du cou, d’une oreille ; ce qui donne à l’ensemble une sensation un peu perturbante, comme si nous étions voyeur, en attente de quelque chose qui tarde à arriver.
Et cette utilisation de gros plans, comme lors des scènes de rue et lorsqu’on suit les personnages, semble alourdir le métrage, le propulsant dans une dimension à mi-chemin entre le film avant-gardiste et le film d’art et d’essai, pour ne pas employer le mot ‘expérimental’.
Il peut sembler curieux, pour le spectateur, d’avoir cette impression de ‘films Super 8’ avec des pellicules à l’ancienne ; comme si nous étions sur un film amateur. Sur un métrage, qui plus est, d’une durée très courte, cette sensation nous ramène à cette tendance, celles d’histoires filmées caméra à l’épaule, en vision subjective. Et finalement, c’est comme une évidence lorsqu’on évoque le cinéma d’horreur, d’avoir à l’esprit ce type de cadre et de plans serrés.
Car ce phénomène existe depuis plusieurs décennies - et perdure encore aujourd’hui - et un certain nombre de réalisateurs connus, s’y sont prêtés ; et nous viennent à l’esprit des titres comme Paranormal Activity, Blair Witch, Diary of the Dead…
Quelques réserves sans doute, mais qui ne doivent pas vous empêcher d’aller le voir, car ‘MI BESTIA’ de Camila Beltrán est avant tout un film ‘engagé’, un film qui ose - encore plus au sein d’une société fortement croyante et conservatrice.
Et de la sorte - assez naturellement nous devons dire - la métaphore et le symbolisme baignent la fin du film, soulignant son caractère fantastique. Tout cela nous aura conduit à cette transformation du corps, vécu par la jeune Mila lors de ce moment complexe qui s’impose à elle et qui la fragilise, devenant ainsi un monstre à ses propres yeux, et aux yeux des autres.
Synopsis : Bogota, 1996. La population est effrayée : le diable va arriver lors d'une éclipse de lune imminente. Mila, 13 ans, sent que le regard des autres sur elle se fait plus oppressant. Elle se demande si la métamorphose de son corps a un rapport avec cette prophétie. Le jour tant redouté arrive, la lune rouge illumine le ciel.
Sylvain Ménard, juillet 2024
Mi Bestia (1H15)
2024. Colombie, FranceCasting :
MILA : Stella MARTINEZ
DORA : MallelyAleyda MURILLO RIVAS
DAVID : Héctor SANCHEZ
EVA : Marcela MARTechnique :
RÉALISATION : Camila BELTRÁN
SCÉNARIO : Camila BELTRÁN, Silvina SCHNICER
IMAGE : Sylvain VERDET
MUSIQUE : Wissam HOJEIJ
MONTAGE : Jeanne OBERSON, Camila BELTRÁN
DÉCORS : Sofía GUZMAN
COSTUMES : Luz Helena CÁRDENAS
MIXAGE : Frédéric HAMELIN
CHEF OPÉRATEURS DU SON : Juan Felipe RAYO
MONTAGE SON : Damien TRONCHOT
1ER ASSISTANT MISE EN SCÈNE : Santiago Porras CLAVIJO
DIRECTION DE PRODUCTION : Catalina PATARROYOSOCIÉTÉS DE PRODUCTION : Felina Films, Films Grand Huit
COPRODUCTION : Inercia Películas et Ganas Productions
PRODUCTEURS DÉLÉGUÉS : Lionel MASSOL, Camila BELTRÁN
PRODUCTRICES EXÉCUTIVES : Paola Andrea PÉREZ NIETO, Marcela MAR, Valeria ESTEBAN
PRODUCTRICE ASSOCIÉE : Pauline SEIGLAND
DISTRIBUTION FRANCE : New Story
PARTENAIRES : Proimagenes Colombia, CNC – Aide aux Cinémas du Monde, La Région
Bretagne, La Région Normandie, Cofinova 19, Pulsar Content, New Story