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'Xalé, les Blessures de l'enfance', le film magnifique et sensible de Moussa SENE ABSA, sort au cinéma le 3 avril
21 février 2024 à 12h00
Mis en scène par le réalisateur sénégalais Moussa SENE ABSA, ‘XALÉ’ est un petit joyaux qui bien que paraissant féministe, est revendiqué par son auteur simplement comme le reflet de sa vie, de son éducation, ayant grandi entouré de femmes.
Moussa SENE ABSA parle des femmes dans ses films et voit son pays au travers de leurs yeux. Ainsi en est-il de 'XALÉ' qui nous conte une histoire de femmes, une histoire d’abus, soulignant par ce biais les errances de la société moderne sénégalaise. Mais tout en contant une histoire dans le même temps dramatique mais forte, sensible mais lumineuse, il nous offre un film baigné d’une lumière remarquable où nous sommes emportés, un film où la musique et la poésie des image occupent une place particulière.
Le sujet est sensible, et tel que le traite le réalisateur il prend rapidement un caractère non pas politique, mais bien humain au sens large du terme. Il décide de porter à notre connaissance cette belle histoire, belle parce qu’on y parle de la vie, de la fraternité et de femmes fortes ; mais dure, parce que les non-dits, les changements des mœurs et l’occidentalisation forcenée, privent l’Afrique de ses repères, de ce qui faisait sa joie de vivre, en imposant aux gens des codes qui ne sont pas les leurs.
On parle souvent de la mondialisation et le film de Moussa SENE ABSA en traite également en soulignant ce qu’elle a de pervers, de limitatif et de totalement abstrait.
D’une approche peut être pas si évidente au premier abord, l’œuvre embrasse un discours qui à l’heure d’aujourd’hui reste associé au drame et à l’incommensurable, à cette souffrance liée au viol.
Il est fort surprenant et agréable qu’une œuvre d’une telle force, une ode à la force féminine, nous vienne d’un pays africain qui a su vénérer celles qui nous donnent le jour ; tandis que curieusement, nous autres occidentaux continuons notre petit chemin, tout en rejetant les lois les plus élémentaires, celles qui nous imposent de nous respecter les uns les autres.
Prônant des valeurs universelles, Moussa SENE ABSA défend les femmes, la vie et les traditions de son pays et de l’Afrique, dans ce qui s’avère être un superbe film, émouvant et sensible, nous invitant par là même à réfléchir à notre place et à ce que nous souhaitons léguer à nos enfants.
Une œuvre comme nous le disions pas évidente, mais porteuse d’un message d’espoir.
Et puis il faut compter avec ces intrusions poétiques, celles de ces hommes ou ces femmes qui apparaissent (comme surgis de nulle part) et « sanctionnent » en psalmodiant, comme qu’ils prononçaient des jugements, livraient des sentences ! Au delà d’une apparence très tribale, comme une résurgence de coutumes ancestrales, le réalisateur nous propose de réfléchir à nos actes ; et au final tel semble être le caractère de ces apparitions, une sorte de rappel à l’ordre, aux temps anciens où l’on se souciait de son voisin, des siens…
Plus qu’une simple vision relevant tout autant de la fantasmagorie que de l’hallucination, nous voyons et comprenons le sens de ces paroles, encore plus lorsque nous constatons que les pays africains se trouvent tous confrontés à ce besoin de comprendre leurs racines et leurs coutumes, tandis qu’ils font face à cette fuite éperdue en avant avec le modernisme.
Nous ferons nôtre cette superbe phrase que vocifère au visage de Atoumane une femme intervenant alors qu’il bat Fatou : « on ne t’a pas donné une mule, mais une femme avec sa grandeur » !
Il serait bon que les hommes cessent de se croire tout permis, et bon également que l’égalité des sexes ne soient pas qu’un vain mot. Ainsi, fort, le film l’est, et par nature - parce qu’il parle de femmes - il nous procure un frisson alors que la peur nous étreint en imaginant le pire.
J’aime pour ma part penser que ce que l’on retiendra est surtout ce portrait de femmes éblouissantes et fortes, et qu’au delà du drame et du caractère pervers des actes ; elles continuent à se dresser fièrement telles des statues, ces mères et ces filles…
Le cinéma reste peu développé dans le Sénégal du début de millénaire, mais il se fait remarquer, nous offre de belles visions et des considérations humanistes et vraies… Alors, oui, il y a encore des efforts à faire, mais c’est à l’aune de réalisations comme Xalé que l’on prend conscience de l’importance de ce cinéma, avec le charisme de ses personnages, le naturel et la sensibilité des actrices et des acteurs ; un film magique avec ses instants de noirceur, mais teinté d’espoir.
Synopsis : Awa, collégienne de 15 ans, vit gaiement son adolescence aux côtés de son frère jumeau Adama qui rêve d'Europe. Lors du décès de leur grand-mère, sa tante Fatou et son oncle Atoumane promettent de se marier pour préserver l'union familiale. Mais Fatou n'aime pas Atoumane et celui-ci, las d’attendre de consommer son mariage, commet l'irréparable.
XALÉ de Moussa SENE ABSA
Long-métrage fiction - 101 min - 2022 - Sénégal/Côte d'Ivoire
Wolof sous-titré français
Distribution : Nguissaly Barry, Ibrahima Mbaye Tché, Rokhaya Niang, Roger Sallah...
Bande-annonce : https://www.youtube.com/watch?v=_AdrPG2c7AI