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Sortie de 'RÉSISTANCES' ; un programme de courts-métrages, forts, durs et sans concessions ; une façon de se rebeller, et d’essayer de dire non !
25 septembre 2024 à 18h10
Pour sa 8ème saison QUARTIERS LOINTAINS nous invite à réfléchir sur cette dimension qui devraient prévaloir ; la liberté et son cortège de ‘possibles’, effacé au bénéfice d’une seule chose, la soumission et l’abandon de toute raison. ‘RÉSISTANCES’ c’est trois réalisatrices et un réalisateur, quatre courts-métrages aussi dissemblables que profondément instructifs et nécessaires. ‘RÉSISTANCES’ est un film poignant et dérangeant, bouleversant nos habitudes et notre train-train.
J’aimerai vous dire que c’est facile d’aller voir un tel programme, que ce film est nécessaire et qu’au delà de ce qu’il montre, se trouve une voie que chacun peut appréhender, ou tout du moins comprendre en partie. Car telle est la réalité, ‘RÉSISTANCES’ est un brûlot, un de ces métrages qui vous montre la violence qui est dans ce monde, le nôtre, celui d’aujourd’hui. Alors tout n’est pas mauvais, preuve en étant ces jeunes réalisatrices et réalisateurs, venus d’Afrique, qui osent filmer ce qu’en certains endroits, certaines régions, on interdit au nom d’une foi, ou de croyances obsolètes.
Tout n’est pas malsain, mais tout doit être dit. Et avec ce programme de courts-métrages, ce sont sur quatre sujets complexes quand ils ne sont pas totalement insolubles, que nous sommes invités à revenir. Et c’est là que ‘RÉSISTANCES’ s’affirme en tant que sujet incontournable, porteur de message et de réflexion. Alors, oui, il faut aller le voir, même s’il risque de vous toucher profondément (mais est-ce là un mal ?), de vous horrifier, ou de vous mettre mal à l’aise. Car c’est d’autant plus important en ce jour, d’essayer de se mettre à la place des autres, d’avoir de l’empathie et de ne pas juger.
Cette incursion dans un ‘Quartier Lointain’ est remarquable de concision et d’humanité (même lors d’évènements graves), portant un regard tendre parfois, désabusé souvent, mais jamais désespéré.
Entre l’absolutisme religieux, le souvenir d’un génocide, des coutumes arriérées ou le suicide ; les quatre metteurs en scènes nous montrent le deuil, la violence des adultes, le refus de voir ses enfants grandir et s’émanciper, la peur et l’incapacité de grandir ou vieillir sans liberté… C’est sans doute assez actuel que d’utiliser le terme de brûlot ou celui de pamphlet, mais force nous est de reconnaitre que ‘’RÉSISTANCES’ ne nous laissera pas indemne. En dénonçant avec subtilité des coutumes et des traditions ne tenant pas compte des gens ni de l’évolution d’un monde qui va trop vite, en ayant un discours emprunt de sollicitude et d’intérêt où symbolisme et poésie restent présent, les quatre courts-métrages nous ouvrent une voie vers la compréhension des autres.
L’ENVOYÉE DE DIEU est le premier court de ce programme. Une violente dénonciation de l’obscurantisme et du mal que l’on est capable de faire aux autres. Mise en scène par la réalisatrice nigérienne Amina Abdoulaye Mamani, l’histoire est âpre et sans concession, et par le biais de ce regard d’une jeune enfant, outil d’une violence autant morale que physique, elle nous étreint dans des doigts de fer, inertes et inhumains.
LE MÉDAILLON, seul documentaire du lot, réalisé par la réalisatrice éthiopienne Ruth Hunduma, nous parle d’une page inconnue du grand public, le génocide de la Terreur rouge éthiopienne qui eu lieu entre 1977 et 1978. La réalisatrice entre souvenirs familiaux, description d’un pays qui a survécu et parallèles entre des époques passées et récentes, nous brosse un portrait d’un pays qui malgré tant d’horreurs semble resplendir.
ASTEL pose un regard d’abord doux et complice sur une jeune fille et son père dans de beaux paysages presque idylliques. Puis alors qu’elle porte le regard sur un jeune homme faisant paître ses animaux, elle va vers lui. C’est cette notion ‘d’éloignement’ que traite la réalisatrice ; la montrant grandir, ne plus être une petite fille aux yeux de son père. C’est là également la dureté d’une réaction qu’elle souligne, dans cette façon de l’éloigner, de l’envoyer rejoindre les autres femmes. On sent poindre l’émotion, celle de la jeune réalisatrice, Ramata-Toulaye Sy, qui conte ce qui semble être son propre point de bascule vers l’âge adulte.
I AM AFRAID TO FORGET YOUR FACE qui conclut le programme est un pied de nez aux conventions et aux traditions séculaires quand un jeune homme s’habille en femme afin de pouvoir dire un dernier adieu à celle qu’il a aimé, faire son deuil. Un court-métrage complexe, plus qu’il n’y paraît parce qu’il emprunte sa trame à des genres définis, mais les contourne pour évoquer un sujet grave, le suicide, et l’agrémente d’une réflexion sur le poids des coutumes. Cruel de se dire que c’est par ce seul stratagème qu’il pourra la revoir…
Le programme en détail ;
L’ENVOYÉE DE DIEU (Fiction • 23 min • Niger/Burkina Faso/Rwanda - Haoussa sous-titré en français)
RÉALISATION & SCÉNARIO : Amina Abdoulaye Mamani
MONTAGE : Moumouni Jupiter Sodré & Orianne Moschetti-Brun
IMAGE : Amath Niane
MUSIQUE ORIGINALE : Sylvan Dando Paré
SON : Moumouni Jupiter Sodré
PRODUCTION : Diam Production, Karekezi Film Production, Tabou Production
LE MÉDAILLON (Documentaire • 23 min • Royaume Uni/Ethiopie - Amharic, Anglais sous-titré en français)
RÉALISATION & SCÉNARIO : Ruth Hunduma
MONTAGE : Marnie Hollande
IMAGE : Henry Gill
MUSIQUE ORIGINALE : Nyokabi Kariuki
SON : Kim Tae Hak
PRODUCTION : Story Compound
ASTEL (Fiction • 24 min • France/Sénégal - Peulh sous-titré en français)
RÉALISATION & SCÉNARIO : Ramata-Toulaye Sy
MONTAGE : Nathan Jacquard
IMAGE : Amine Berrada
MUSIQUE ORIGINALE : Amine Bouhafa
SON : Ousmane Coly, Olivier Voisin, Romain Ozanne
PRODUCTION : La Chauve-Souris, Kazak Produc- tions (France), Astou Production (Sénégal)
I AM AFRAID TO FORGET YOUR FACE (Fiction • 14’55 min • Egypte/France/Qatar/Belgique - Arabe sous-titré en anglais, français)
RÉALISATION & SCÉNARIO : Sameh Alaa
MONTAGE : Yasser Azmy
IMAGE : Giorgos Valsamis
MUSIQUE ORIGINALE : Universal daughters cover
SON : Sameh Nabil
PRODUCTION : Les Cigognes Films
Un mot sur QUARTIERS LOINTAINS : Créé en 2013, Quartiers Lointains est un programme itinérant de courts-métrages diffusé entre différents pays d’Afrique, la France et les Etats-Unis. Chaque saison est construite autour d’une thématique et valorise des talents émergents qu’ils soient basés en Afrique ou dans la diaspora africaine (Tiré du dossier de presse)
Synopsis : On a souvent parlé de résistance quand il s’agissait de guerre, civile ou militaire. Mais la révolte de fait, l’insoumission face à ce qui nous est imposé dans un cadre familial, politique, religieux ou culturel est aussi une forme de résistance. Qu’ils soient basés au Nord ou à l’Ouest du continent, les protagonistes des quatre courts métrages de cette 8e saison de Quartiers Lointains abordent de manière politique et poétique plusieurs formes de ténacité et d’insurrection envers l’ordre établi.
Sylvain Ménard, septembre 2024