Se connecter
‘Black Gospel’ de Laurent-Frédéric Bollée et Boris Beuzelin est sorti chez ROBINSON : un roman (graphique) noir à dévorer

09 juin 2025 - 22:01
Plongée dans les eaux sombres et sanglantes d’une Amérique profonde où perdurent les règles obsolètes et où ne pas être blanc est loin d’être une sinécure ; ‘Black Gospel’ est un remarquable roman graphique, brassant les thèmes et nous invitant à cette réflexion évidente sur la nature du mal et notre propension à commettre l’innommable !
Laurent-Frédéric Bollée et Boris Beuzelin s’invitent chez le lecteur avec ce noir & blanc ‘très classe’, pour une enquête hors norme et aux frontières du sordide. Empruntant aux grands genres que sont le polar, le thriller où le pur film ou roman policier, tels que les scénaristes et réalisateurs américains les ont popularisé ; ‘Black Gospel’ nous offre une histoire qui se lit comme un bon roman et se regarde comme ces thrillers de la belle époque. Particulièrement bien écrit et dessiné, il bénéficie d’une mise en page qui ne saura vous laisser indifférent.
Flics dépassés par les évènements, violence inouïe surgie de nulle part, tension qui monte à chaque instant dans une sorte de course contre la montre…, tels sont en résumé les ingrédients de cette excellente histoire.
Mais sachez que les auteurs nous emmènent également à une réflexion sur cette Amérique de l’époque de Martin Luther King et jusque dans les années quatre vingt ; dans un scénario où le drame et la tragédie côtoient la convoitise et l’absurdité, et où le portrait des personnages se décline à l’envie dans leurs contradictions et leurs préjugés.
Dans cette histoire classique s’ajoute une trame sous-jacente nous rappelant à quel point les relations entre les blancs et les noirs sont complexes aux Etats-unis mais également avec l’Afrique.
‘Black Gospel’ est une œuvre qui n’est pas sans rappeler certains polars graphiques italiens. Parce qu’effectivement, à l’instar du giallo, on pouvait comptait également sur nos voisins transalpins pour faire preuve d’une grande maestria dans l’art de mettre en scène des enquêtes parfois sombres et à d’autres glauques dans ces BDs nommés « fumetti ».
Et de fait si certains personnages de la BD italienne comme Dylan Dog créé par Tiziano Sclavi, ne nous sont pas inconnus (il fut adapté par ailleurs au cinéma), et certains auteur comme Milo Manara ou Hugo Pratt nous sont encore moins inconnus; il faudrait sans doute rapprocher ‘Black Gospel’ des travaux de Vittorio Giardino avec son personnage de Sam Pezzo, dont la propre noirceur et les imperfections sont souvent l’exact reflet des malfrats qu’il traque. Mais par dessus tout, c’est dans l’approche très réaliste où la mise en ‘couleur’ ne se fait pas avec les gris mais bien exclusivement avec cet encrage spécifique qui nous offre une ambiance ‘noire’ et parfois délétère que se trouvent ces points de convergence.
Image d’une Amérique qui finalement ne nous étonne plus, ‘Black Gospel’ montre avec savoir-faire que ce pays n’aura de cesse de nous attirer ou parfois de nous repousser, et qu’avec ce thriller nos auteurs se hissent au niveau des grands.
Synopsis : Quatre mots parmi les plus célèbres au monde, prononcés par Martin Luther King le 28 août 1963 à Washington, lors de la célèbre Marche pour le travail et la liberté. Mais quand, en août 1983, on s’apprête à célébrer le 20e anniversaire du fameux discours et que deux jeunes stagiaires d’un cabinet d’avocats de Manhattan sont retrouvées mortes chez elles, on pense qu’un tueur en série a commencé à fêter à sa manière ce jour historique…
Sylvain Ménard, juin 2025
Black Gospel
Scénario : Laurent-Frédéric Bollée
Dessin : Boris Beuzelin
Editeur : Robinson
Ouvrage N&B, couverture cartonné couleur
Nombre de pages, 159
Parution le 04 juin 2025