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MAUVAISES FILLES : le documentaire libérateur et nécessaire de Émérance Dubas sort sur nos écrans ce 23 novembre

23 novembre 2022 - 10:00
Pour ce premier long métrage, la réalisatrice Émérance Dubas a travaillé le sujet durant des années - et il s’agit d’un sujet particulièrement complexe et dur - souhaitant porter un regard aussi clair et franc que possible sur la condition des femmes et ce que l’on nommait à l’époque « les maisons de correction ».
Sombre parfois et également sans concession dans son approche, la réalisatrice aborde ses entretiens avec recul et empathie, mais n’évite pas un côté voyeur qui ici souligne le malheur et les errances d’un système désuet déjà à l’époque. On se demande si cela relève d’une quelconque fiction, mais les déambulations dans des couloirs dignes de films d’horreur, dans des lieux abandonnés de tous, renforce notre sentiment d’angoisse. Les images qui nous viennent spontanément à l’esprit lorsque les témoignages se suivent, sont bien celles de prisons avec les garde-chiourmes (des bonnes sœurs !), de privations et d’abus divers ; toutes choses qui étaient monnaies courante dans ces années.
Le destin aura voulu que ces femmes qui apparaissent ici, s’en sortent et réussissent à avoir malgré les obstacles mis sur leur route, des vies, des enfants ! Au delà des mauvaises conditions et de traitements d’un autre temps orchestré par des congrégations religieuses la plupart du temps, demeure l’évidence de l’existence de ces atteintes à la dignité humaine, le tout sous l’œil impassible des institutions étatiques qui se sont avérées totalement solidaires quant à ces faits.
Le cinéma en a parlé (peu sans doute), on pense bien sûr aux récentes Enquêtes du département V, le Dossier 64 qui évoque les placements de supposées jeunes filles associales, de mauvais traitements…
Aussi ce documentaire arrive à point nommé, libérateur et nécessaire, même si notre regard et notre perception nous invite à rejeter maintes choses, tant elles nous choquent !
J’ai évoqué au début la notion de « voyeurisme », qui s’explique par le fait de ces révélations qui sont autant de constats lamentables et difficiles à encaisser. Et « voyeurs » n’est pas un mot excessif, car nous sommes contraints à découvrir ces comportements abusifs que ces femmes ont subies ; mais s’impose alors un autre mot, celui de « témoins », qui finalement prend le pas, faisant de nous les dépositaires d’une parole, de souvenirs, d’une chose qui devrait nous éveiller et nous aider à comprendre.
Il devient alors compliqué de ne pas faire le procès de l’église ou des religions - et ne soyons par aveugles, tous les pays ont procédés de la même façon à des époques récentes - et de l’état. Car où sont les crimes… qui sont les plaignants ?
Grâce à la pugnacité de la réalisatrice, ces destins nous sont offerts, sans fioritures mais avec humilité et sincérité, constituant une prise de parole primordiale. Et par dessus tout, de par leur existence remplie, les vies qu’elles ont portées et qui à leur tour ont donné la vie, elles sont un message d’espoir et de survie dans un monde trop souvent porté au jugement.
Synopsis : Insoumises, rebelles, incomprises ou simplement mal-aimées. Comme tant d’autres femmes en France, Édith, Michèle, Éveline et Fabienne ont été placées en maison de correction à l’adolescence. Aujourd’hui, portée par une incroyable force de vie, chacune raconte son histoire et révèle le sort bouleversant réservé à ces « mauvaises filles » jusqu’à la fin des années 70.
MAUVAISES FILLES (France • documentaire • 1h10)
Scénario et réalisation : ÉMÉRANCE DUBAS
Image : ISABELLE RAZAVET, GERTRUDE BAILLOT
Son : GRACIELA BARRAULT, VALENTINE GELIN, PASCALE MONS
Montage image : NINA KHADA
Montage son : .JEAN-MARC DUSSARDIER assisté de BAPTISTE SANGLA
Mixage : MATHIEU FARNARIER
Etalonnage : LIONEL DALBAN
Musique : MAREK HUNHAP
Production : FRÉDÉRIC FÉRAUD, LES FILMS DE L’ŒIL SAUVAGE
Prix du Public & Prix des Étudiants, Festival de Valenciennes
Champs Elysées Film Festival
Sylvain Ménard, novembre 2022