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Littérature fantastique & horrifique : Cinéma & adaptations …

10 mars 2021 - 12:20
Etant donnée l’actualité chamboulée, les décalages innombrables de tournages et les sorties reportées ; les studios continuent à tourner, c’est un fait, les agents et les distributeurs travaillant de leur côté à préparer les diffusions, communiquant, préparant les relais de presse. Mais voilà, rien n’est visible pour le public. A tout bien considérer, entre ce temps d’attente (souvent assez insupportable il faut bien l’avouer) et l’impossibilité de publier des articles tant qu’une certaine visibilité n’est pas de mise, on se demande que raconter !? Aussi osons la différence, et profitons de ces instants de répits pour évoquer les adaptations d’œuvres littéraires au cinéma ; et plus particulièrement dans le genre fantastique et horrifique.
L’influence de la littérature au cinéma dépend bien évidemment du style ou du genre des oeuvres, et sera visible dans nombre de traitements et de développements s’appuyant sur les écrits d’un auteur. William Shakespeare et Alexandre Dumas sont parmi les plus adaptés et ce dans des genres liées à la romance, l’aventure, la critique sociale ; alors que Agatha Christie le serait dans le genre policier. Et on pourrait citer aussi Harlan Coben ou Patricia Highsmith également qui sont fréquemment adaptés.
Le genre fantastique, l’horreur - alors que finalement la Science-Fiction (au sens restreint du terme) l’est proportionnellement moins - sont très représentés et ont bénéficié de maintes adaptations, ceci tournant parfois aux déclinaisons et ré-utilisation, jusqu’à plus soif ! Il est bien évident que Mary Shelley lorsqu’elle écrivit Frankenstein ne pensait pas en terme d’adaptation cinématographique, et encore moins Bram Stoker un peu plus tard pour Dracula. Le récit d’horreur qui venait finalement de trouver ses lettres de noblesse, ne cesserait jamais, ni d’évoluer, ni d’intégrer des thématiques et des développements sans cesse renouvelés. L’histoire de la littérature et notamment celle relevant de l’horreur, entrera alors dans une dimension nouvelle, qui permettra au delà de la reconnaissance littéraire, d’envisager des adaptations de plus en plus fréquentes.
Parmi les auteurs qui ont publié (ou publient) des récits d’horreur, les plus transposés si l’on veut, on trouvera dans le trio de tête ; Stephen King ; dont l’importance en terme d’adaptations est relativement impressionnante. Howard Philip Lovecraft et Edgar Allan Poe se partageraient la seconde place, ceci étant en relation avec leurs créations et la cohérence de leurs univers. Mais les idées notamment de Lovecraft ont été plus pillées ou récupérées, de bonne ou de mauvaise façon ceci dit, que réellement exploitées dans les adaptations tirées de ses écrits. Concernant Edgar Allan Poe - au vu de sa disparition précoce et du format de ses écrits (seulement deux romans), il a été parfois associé à Lovecraft ; voir à ce propos les films produits par Roger Corman dans les années soixante-dix et qui se basaient sur un récit 'connu' de Poe et une oeuvre intégrale de Lovecraft comme par exemple sur The Haunted Palace.
Car Poe est surtout connu pour ses contes et nouvelles - des formats relativement courts souvent, mais également plus longs tels La Chute de la maison Usher, d’un format d’une centaine de pages. Ce n’est qu’au détours de récits plus complexes et paradoxalement plus compliquées à mette en scène (de par l’univers décrit et ses cohortes de monstres) que l’on commence à retrouver Lovecraft - mais il faut constater que ses oeuvres emblématiques font toujours peur aux producteurs et ne sont pas adaptées (voir l’échec du développement des Montagnes Hallucinées par Guillermo Del Toro). Le pandémonium cher à Lovecraft et son panthéon de créatures indicibles et repoussantes ont d’ailleurs souvent inspirés d’autres auteurs, qui se réfèrent à lui comme à un maître. Terminons ici en soulignant que ni Poe ni Lovecraft ne sont réellement connus en Amérique !
Rappelons que les auteurs d'oeuvres incontournables, on parle ici de ceux dont les écrits inspirèrent un film qui marqua le cinéma et la mémoire des spectateurs, ne se verront pas pour autant devenir les écrivains les plus adaptés ! On comptera parmi eux, Robert Bloch bien sûr avec l’inégalable Psychose ; et Richard Matheson pour Je suis une légende, qui sera adaptée deux fois, l'une avec Vincent Price (grand acteur de cet âge d'or du cinéma américain qu'on ne présente plus) et le plus récent avec Will Smith qui livrera ici une performance étonnante de force et de justesse.
Dean Koontz - un auteur d'horreur très connu - qui avec Phantoms, passera le cap de l'adaptation avec une relative efficacité, dans une histoire qu'on pourrait rapprocher de celles de Stephen King, tant il est similaire dans l’approche, l’étude des personnages et les lieux évoqués ; une histoire angoissante à souhait et qui saura jouer avec nos nerfs.
On peut évoquer aussi Francis Paul Wilson pour La Forteresse Noire ; Philip K. Dick et ses romans à tiroirs ; Graham Masterton qui a inspiré quelques adaptations ; sans omettre des auteurs comme Isaac Asimov, Arthur C. Clarke ou Ray Bradbury, pour leur part restant peu ou moins exploités (ceci-dit nous sommes plus dans la SF). Si la part fantastique, horrifique ou merveilleuse peut sembler plus importante, c’est d’une part parce que les sujets sont plus ouverts à interprétation et d’autre part parce qu’ils offrent un accès à des 'blockbuster', à des films 'évènements', à des métrages qui seront vues par des millions de gens dans le monde. Que l’on parle de thriller, de drame, de poésie, d’étude psychologique ou bien d’horreur, du traitement du sujet et de l’accueil du public dépendra la réussite ou l’échec du projet. Traduire une oeuvre quelqu’elle soit, est donc au delà du travail du scénariste et du réalisateur, un travail d’équipe au sein de laquelle il faudra souligner l’impact de la musique composée pour l’occasion ! Nous viens fatalement à l’esprit J.R.R Tolkien et Le Seigneur Des Anneaux, puis Le Hobbit ; qui firent l’objet d’adaptations monstrueuses et d’une durée sans commune mesure jusqu’alors ! Ce qui explique pourquoi les espoirs mis sur la série développée par Amazon sont si élevés, et pourquoi il est fort probable que malgré le talent de tous les intervenants, la qualité de l’histoire puisse (si l’on prend des gants) ne pas être au rendez-vous. Curieux de voir d’ailleurs à quel point les écueils sont nombreux : de trop de communication, à des changements de dernières minutes, en passant par des décisions et des choix contestables, on en vient à s’apercevoir que certains films tout en étant attendus ; on entretenu, ou entretiennent, un suspense étonnant autour de leur réalisation.
Quelques sujets de réflexion...
Il y a le sujet que l’on se doit d’évoquer rapidement concernant ces adaptations. Il s’agit de l’importance de l’ouvrage, de sa transcription et du respect de l’auteur. Il n’y a, la plupart du temps, aucune règle relative à ces 'ré-écritures' ; le scénariste et le réalisateur ont tout pouvoir, ce qui bien évidemment occasionnera autant de succès que d’échecs commerciaux, le seul nom d’un auteur ne garantissant pas le succès (voyez le cas de Stephen king justement). Aussi les versions diffèrent-elles, compte tenu du matériau de base, de la longueur des oeuvres (Dune par exemple), et du traitement du sujet. La vision qu’en aura le réalisateur, sera une vision (la sienne propre) ; mais aura également le mérite de mettre en image ce que chacun avait à l’esprit, mais sous une forme différente en lisant l’oeuvre. D’où un certain questionnement sur le fait d’arriver le premier.
Oui, c’est une phrase qui peut sembler curieuse, mais voyez Dune. David Lynch a crée une oeuvre iconique (parce que c’était le premier qui l'adaptait), que les mini-séries de Harrison, aussi denses et respectueuses soient-elles, n’ont pas réussit à détrôner ; quant à la qualité, l’interprétation, l’image renvoyée. Le film de Villeneuve (d'une actualité brulante et donc sujet déjà à maintes critiques) saura t-il être à la hauteur ?
Ce petit tour ‘du propriétaire’ étant fait, gardons à l’esprit que tout ceci ne fait que souligner quelques cas. Tant les adaptations évoquées, que les romans potentiellement adaptables dont nous avons parlé, ne sont une fois encore que des exemples parmi d’autres ! De la sorte on pourra pré-supposer qu’adapter la franchise Harry Potter au cinéma avec le succès mondial qu’ont connu les romans et leur auteur était une étape obligée. Une petite histoire pour conclure cette partie. En 1997 sort Megalodon de Steve Alten, le roman est directement ‘acheté’ à des fins d’adaptations. Il faudra attendre 2018 et En eaux troubles pour le voir sur grand écran. Mais le résultat n’a plus rien à voir avec l’original. Les personnages, la trame, plus rien ne suit réellement le roman - et c’est là qu’on se rend compte qu’après une cohorte de films ces dernières années sur les requins (grands blancs et autres) ; ce métrage arrive trop tard. Du casting à la surenchère évidente (et obligatoire à ce stade) - plus rien ne ‘colle’… Ce qui permettra de comprendre qu’entre le succès d’un roman, son acquisition par un studio, le choix du réalisateur et la main-mise de la production ; sans compter le temps qui s’écoule ; on ne peut qu’être étonné de voir sortir des films sur lesquels on n’aurait probablement pas misé grand chose !
L'attente et les dérives... des sujets qu'il faut bien évoquer !
Un autre sujet à évoquer est l’attente. Depuis quelques années on a pu voir un des effets pervers de l’apport de la technologie, trop exagérée dans ses demandes nécessitant des réponses immédiates, trop envahissante et pas assez mature. Par la faute d’Internet, trop de personnalités différentes brassent des informations et dans ce monde actuel, théoriquement tourné vers les autres et presque sans limites, on se rend compte que ce qui est recherché n’est plus l’oeuvre en soi, mais ce qui gravite autour : les rumeurs, les erreurs et les défauts, toute choses qui occupent finalement plus d’importance que la réalisation elle-même et prennent la forme de fulgurances aussi brèves qu’inutiles.
Et c’est peut être là qu’on regrettera les articles (rédigés par des professionnels) qui paraissaient dans les revues spécialisées d’antan, disparues au bénéfice de discussions - une sorte de 'café du commerce' finalement - discussions qui ne font que souligner le manque d’information des internautes et la nécessité racoleuse qu’ont les réseaux sociaux d’offrir la première image, la première version, aussi fausse soit-elle.
En conclusion...
Voilà ce petit survol (très petit en fait) de ce que la littérature fantastique offre au cinéma, vous aura peut être permis de vous souvenir qu’au détour d’un personnage effrayant, des péripéties étonnantes ou des mondes hallucinants que l’on voit, se trouvent des créations qui sont nées de la plume d’un auteur, de son talent. Celui du réalisateur - aussi indéniable soit-il - n’est rien sans l’aide des artisans, des concepteurs, des acteurs, des compositeurs, qui travailleront avec lui à rendre attirante (et crédible) son adaptation.
Et souvenez-vous que les adaptations de romans (dans d’autres genres) qui ont donné La Cité de la Joie (magnifique film avec le regretté Patrick Swayze), Blade Runner, Le Silence des agneaux, La Ligne verte, Le Parrain, Apocalypse Now ou Autant en emporte le vent sans oublier Le Seigneur des Anneaux - et il y en a des centaines (et des centaines) - ont donné de merveilleux films, qui sans les écrits de leur auteur n’existeraient pas sous cette forme !
Aussi en attendant la réouverture des salles sombres, penchez-vous sur vos ouvrages préférés et imaginez-les transposés à l'écran...
Sylvain Ménard, mars 2021