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‘La mère de tous les mensonges’, un film poétique et sombre réalisé par la jeune réalisatrice marocaine Asmae El Moudir, arrive au cinéma
22 février 2024 à 08h00
Poétique, fort, et parfois sombre, 'LA MÈRE DE TOUS LES MENSONGES' est un cinéma aussi rare qu’éloquent, aussi direct dans son intention de connaitre les vérités que puissant dans sa démarche salvatrice. Il est bon que ce cinéma nous arrive du Maroc, et il est bon qu’il soit l’œuvre d’une jeune femme.
La jeune cinéaste décide de nous montrer cette part d’ombre qui existe dans de nombreuses familles de Casablanca, ces silences qui en disent longs sur cette mémoire qu’on essaie par tout les moyens de ne pas solliciter. Ainsi en est-il de la grand mère, qui en despote autoproclamé fait la loi dans un foyer qui accueille les trois générations, critique et condamne avec une facilité déconcertante.
Aidé de son père qui sculpte et habille les petites marionnettes de ce qui va devenir un spectacle de mémoire comme rarement le spectateur en aura vu, Asmae El Moudir reconstruit, cherche la vérité et confronte les souvenirs, essayant de puiser dans la mémoire de son aieule, recueillant les confidences des amis de la famille et dont certains furent emprisonnés ou torturés.
Remarquable exercice de mémoire qui prend une tournure très particulière, alors que la jeune cinéaste tente de faire se délier les langues, La mère de tous les mensonges nous permet de comprendre à mi-mots, l’effroi qui fut celui des habitants lors de ces tristement fameuses émeutes du pain qui eurent lieu à Casablanca en 1981.
La rue où réside toute la famille fut l’objet des fouilles de l’armée, qui n’hésita pas à tirer à balles réelles et à faire preuve d’une brutalité sans nom, emportant les corps sans vie et allant jusqu’à les faire disparaître.
Tel est en substance le drame familial qu’ils ont vécu avec la disparition d’une des leurs et que la grand mère dans une forme d’amnésie volontaire et violente refuse de se remémorer.
Si nous vient à l’esprit cette question lancinante : comment vivre avec autant de regrets ?… Asmae El Moudir démontre à la perfection « qu’on ne vit pas… pas avec ça ». A ce titre, l’image de cette vieille femme, la grand mère de la réalisatrice, le doigt sur les lèvres, imposant le silence… est autant troublante que tétanisante dans son refus, car désespéré et seulement synonyme de souffrance !
Et ce deuil qui est celui de sa famille et qu’elle a choisi d’étreindre à bras le corps afin de comprendre et d’oublier (si ce n’est pardonner), aidée de son père et finalement de sa mère et de leurs amis, trouve une forme d’apaisement dans cette minutieuse et poétique reconstitution.
Synopsis : Casablanca. La jeune cinéaste Asmae El Moudir cherche à démêler les mensonges qui se transmettent dans sa famille. Grâce à une maquette du quartier de son enfance et à des figurines de chacun de ses proches, elle rejoue sa propre histoire. C'est alors que les blessures de tout un peuple émergent et que l’Histoire oubliée du Maroc se révèle.
Récompenses : Prix de la mise en scène Un Certain Regard 2023, Oeil d'Or du meilleur documentaire Cannes 2023, Étoile d'Or du Festival international du film de Marrakech 2023.
Distribution :
La Grand mère | Zahra
Le Père | Mohamed El Moudir
La Mère | Ouarda Zorkan
Un voisin | Abdallah EZ Zouid
Un voisin | Said Masrour
Asmae | Asmae El MoudirArtistique :
Réalisation | Asmae El Moudir
Scenario | Asmae El Moudir
Image | Hatem Nechi
Son | Abdelaziz Ghasine
Décors | Mohamed El Moudir
Accessoires | Nabil Ghowat, Mohamed Outouf
Costumes | Ouarda Zorkani
Montage | Asmae El Moudir, avec l’avis précieux de Nadia Ben Rachid
Musique | Nass El Ghiwane
Étalonnage | Minal Nabil
Effets spéciaux | Ibrahim Dwedar, Zeyad Al Gharabli, Merouane Tiriri
Assistanat à la réalisation | Amina Saadi
Direction de production | Rachida Saadi
Co-Production | Marc Lotfy (Fig Leaf Studio)
Production | Asmae El Moudir (Insightfilms)
Sylvain Ménard, Février 2024
Crédits photos : © Arizona Distribution, Asmae El Moudir, InsightFilms