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‘L’Evadé de Belle-Ile ; Histoire d'un bagne pour enfants’ est une superbe histoire à dévorer, que les auteurs, Philippe Nessmann et Piero Macola, ont rendu particulièrement vivante.

08 avril 2025 - 10:00
Sur un scénario de Philippe Nessmann et un trait ‘très adulte’ de Piero Macola, cette œuvre destinée à un public déjà apte à comprendre les enjeux et les décisions du monde qui nous entoure - et vers 12 ans nous commençons à en être capables - s’inscrit dans un travail de mémoire mais emprunte une partie de sa trame à l’aventure et aux romans d’époque. Alors bien sûr on pense à des romans de Gaston Leroux, Gustave Lerouge, avec sans doute un rappel à la grande-œuvre de Victor Hugo, ici le jeune orphelin se retrouve au bagne pour avoir volé une paire de chaussures parce que l’hiver est froid ! Des références qui somme toute sonneront comme des rappels de nos lectures, mais qui apporteront des éléments de réflexion au jeune lecteur, qui pourra sans aucun souci les mettre en relation avec les excès de notre temps et les dérives que nous constatons.
D’abord colonie pénitentiaire destinée aux opposants politiques puis aux enfants et adolescents, le centre connu comme le ‘bagne de Belle-îe’ est à la fin du XIXème siècle, une colonie pénitentiaire agricole et maritime pour jeunes détenus’, et durant plusieurs décennies encadrera et ‘réformera’ de jeunes délinquants et orphelins avant de fermer ses portes en 1977. C’est d’ailleurs courant des années soixante-dix, que ce qu’on nomme pudiquement les institutions publiques d’éducation surveillée, cesseront d’exister.
Sans faire un rapprochement avec des situations actuelles - si ce n’est d’un point de vue historique, et ce que nous pouvons entrevoir de l’évolution sociale - avec cette absence de discipline exercée par les parents, le très jeune âge des délinquants de toute forme (tueur à gage à 14 ans !) ; la déliquescence de nos sociétés modernes est une réalité qui renvoie à une époque lointaine (pas tant que cela finalement) où les solutions étaient souvent pires que les crimes perpétrés.
Sur ce constat de sociétés qui montrent leurs limites, soulignant la récurrence de problèmes profonds, si graves qu’on peine à comprendre comment nous en sommes arrivés là ; ce roman graphique tombe à point nommé, et nous invite à une réflexion bien plus profonde qu’on serait en droit de l’attendre.
Œuvre magnifique et parfois sombre, ‘L’Evadé de Belle-Ile…’ est un roman graphique magistral, aux illustrations somptueuses et détaillées qui vont chercher leur inspiration du côté de la première moitié du vingtième siècle, et d’un texte fort et bien écrit, direct et sans emphase, raconté à la première personne..
S’il nous semble trouver un corollaire historique entre cette époque qui laissait peu de place aux abandonnés et aux miséreux, et notre monde moderne pétri de son importance, mais où les individualités et les particularités sont mises à mal, et où il faut se fondre dans la masse… ; force est de reconnaître que pour peu que l’enfant lise et soit à l’écoute de ce qu’on peut lui raconter, qu’il puise également dans certains films (et une fois encore dès 12 ans, le choix devient assez vaste) et la culture en général, ‘L’Evadé de Belle-Ile ; Histoire d'un bagne pour enfants’ le touchera certainement.
Nous ne sommes pas dans un monde de ‘bisounours’, mais quitte à inviter un enfant à se plonger dans une littérature joliment illustrée, autant lui conseiller une histoire tirée de la réalité historique de notre pays, qui lui permettra d’acquérir des connaissances et de fortifier sa culture générale.
Aussi, la rédaction de Cinémaradio vous conseille la lecture de cette ouvrage publié aux Éditions des Éléphants (à vous aussi parents…), une lecture nécessaire et remarquablement documentée ; pour preuve le petit cahier de fin qui permettra au lecteur de se faire une idée, de l’époque, des conditions et des questionnements que nous pouvons avoir d’un point de vue comme de l’autre.
Les notes de fin du livre citent Prévert et son script d’un projet avorté, ‘L’Île des enfants perdus’, que Marcel Carné aurait du tourner. De fait Jacques Prévert reprendra le script pour une production intitulée ‘La Fleur de l'âge’ et dont le tournage débutera en 1947. De ce tournage demeurent vingt minutes montées et des dizaines de photos de production. La distribution comprenait quelques stars de l’époque, de Serge Reggiani à Anouk Aimée, en passant par Arletty ou Paul Meurisse.
Dans un ouvrage sorti en 1988 chez Gallimard, sous le titre de ‘Jacques Prévert, La Fleur de l’Âge, Drôle de Drame, Scénarios’ se trouve l’intégralité des dialogues, les descriptions et informations (qui fournissent le découpage technique) ainsi que de nombreuses photos de production ; de ce film jamais terminé, et qui reprenait la fameuse affaire ayant défrayé la chronique, celle d’une émeute dans la maison de redressement de Belle-Île en 1934.
Le pitch : En 1934, un orphelin de quatorze ans est envoyé à la maison d’éducation surveillée de Belle-Île-en-Mer. Dans cette prison aux conditions de vie terribles, il subit violences et maltraitances de la part de ses gardiens et devient le souffre-douleur d’un codétenu. Mais un soir, c’est le mauvais traitement de trop. La révolte gronde et tous les détenus s’évadent. Les gendarmes organisent alors une chasse à l’enfant sans merci dans toute l’île…
Sylvain Ménard, avril 2025
Album à partir de 12 ans
Format : 20 x 29 cm
Editeur : Les Éditions des Éléphants
Nombre de pages : 44 pages
Date de parution 2025
ISBN : 978-2-37273-162-1