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"Kokomo City", un vrai regard sincère et parfois cru sur les femmes transgenres aux Etats-Unis

04 décembre 2023 - 08:00
Le film documentaire "Kokomo City" arrive sur nos écrans et c’est une claque. "Kokomo City" nous conte le quotidien de femmes noires transgenres, et s'il s'agit sans conteste d'un film dur et qui pourrait déranger, à nos yeux il semble porter enfin un regard vrai sur ces femmes et ce qu’on nomme les travailleuses du sexe.
C’est un métrage particulièrement profond que nous découvrons en observant ces femmes, ces femmes noires ; et on se fait la réflexion qu’elles sont ce qu’il y a de meilleur, car en bravant le regard des autres, la société, l’éducation et ses caractères imposés, elles ont su s’affranchir d’un carcan qui était lié à ce sexe qui n’était pas le leur, et ce faisant nous donnent non seulement un bel exemple de courage, mais également d’abnégation.
Au travers des leçons d’humanité que certaines nous enseignent dans ce film, tout en suivant leur propos et en écoutant leurs confidences, revenons sur une belle métaphore que nous offre l’une de ces femmes. En comparant les grosses voitures qui pétaradent et les gros seins, le discours vient presque naturellement sur le fait de se démarquer. Et celui qui possède une voiture toute cassée qui fait du bruit ne fait que se faire remarquer. Les Transsexuelles quant à elles sont souvent brisées, mais essaient de se faire remarquer, justement parce qu’elles souffrent ou ont souffert lorsqu’elles ont du faire face à cette nouvelle vie, face aux réactions de leur famille et de la société. Ainsi cette métaphore offre t-elle quelques éléments de réponses, nous laisse t-elle entrapercevoir les failles et les doutes, la souffrance aussi et cette quête absolue de son identité propre.
Et comme le souligne finalement le personnage avec sagesse ; « est-ce qu’on est vraiment en paix avec soi-même ? »
Ainsi comme vous l’aurez compris, Kokomo City n’est sans doute pas un film au sujet facile, mais sa grande force est d’être filmé sans pathos ni exagération. Et même si certains discours peuvent sembler excessifs, ils paraissent n’être que le reflet d’une réalité bien tangible celle-ci, qui se répartie entre l'attirance et le dégoût, comme si on parlait de quelque chose qui nous offusque, comme une atteinte aux bonnes mœurs, mais nous parlons bien d’être humains ! Et c’est sans doute ici que s’effectue cette prise de conscience, alors que l’on découvre ces femmes, ces transgenres, des travailleuses du sexe (belle litote pour éviter les mots qui fâchent) qui n’ont pu s’émanciper qu’au travers de ces métiers d’escorts ou de call-girls, tant la société les méprise et tant leur vie serait impossible sans avoir la possibilité de travailler ! Sans doute également que les sociétés modernes ne sont pas prêtes à comprendre et accepter ce que représente la transidentité, et la réalisatrice en portant un regard lucide sur cette minorité de personnes, rejetées par les différentes communautés, nous permet d’en saisir quelques notions qui jusqu’alors nous avaient échappées.
Elle même transgenre, la réalisatrice D. Smith, nous invite à la suivre tandis qu’elle filme ces femmes, les observant, les laissant se confier sans tabous.
Un film que nous vous encourageons à aller voir, car au delà du fait d’être très ‘lisible’, il nous offre une mise en avant nécessaire sur un sujet qu’on peine à appréhender dans sa totalité, les transgenres, l’identité et l’acceptation de soi ou d’autrui.
SYNOPSIS : KOKOMO CITY offre un regard cru, nerveux mais rare sur la vie de femmes noires transgenres. D. Smith, cinéaste transgenre noire, filme sans misérabilisme l’intimité de quatre jeunes femmes noires, transgenres et travailleuses du sexes. Elles se livrent sans tabou, avec humour et lucidité sur le sexe, les rapports femmes/homme, le racisme, la communauté noire et la transidentité. Un documentaire coup de poing, surprenant et éclairant.
Sylvain Ménard, décembre 2023