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Christopher Young signe ‘THE PIPER’, une œuvre d’une incroyable richesse !
23 avril 2024 à 18h00
C’est le label Intrada, bien connu des amateurs de musiques de films qui sort ‘THE PIPER’, l’album contenant la musique sous forme de suite et l’étonnant Concerto pour flûte qui s’avère être l’un des ‘personnages principaux’ du film.
Constitué de trois mouvements, ce « concerto pour enfants » apparaît en tant que motif central du film, lors des séquences de répétitions, et des scènes effrayantes et presque traumatisantes. Comme le sujet est bien celui d’un film d’horreur, le choix qui s’est porté sur Christopher Young paraissait relativement naturel ; le compositeur ayant dû tenir compte du désir du réalisateur d’avoir une œuvre composée pour l’occasion, ce fameux concerto, qui serait l’un des arguments majeurs du film, son pilier central.
Trente minutes seront donc écrites par le compositeur, l’œuvre étant interprétée par l’Orchestre Symphonique de Bulgarie.
THE PIPER composé par Christopher Young semble signer pour beaucoup d’entre-nous le retour à cette ‘horreur musicale’ qui fit sa renommée dans les années 80, 90 et début 2000 ! Et si l’on pousse le raisonnement en essayant de trouver une composition qui puisse lui ressembler, c’est sans doute vers L'Élue (Bless the Child) du réalisateur Chuck Russell, sorti en 2000, que se porterait notre choix. Certains auditeurs pourront être étonnées par ampleur des mouvements, soulignons qu’il s‘agit de fait d’une œuvre pour orchestre, un concerto !
Si on a pu trouver sur The Grudge à l’époque (un score décomposé en huit morceaux ; les titres existant avec, et sans titres, des numéros étant utilisés pour l’occasion), certaines pistes plus longues dont une avoisinant les 12 minutes, cette composition revendiquait une approche plus atmosphérique et ce faisant moderne. À l’inverse THE PIPER revient à ce qui semble être ses amours de jeunesse, ces phrases riches et ces arpèges flamboyants et parfois gothiques.
Décomposée en quatre mouvements, l’œuvre nous offre une plongée dans un univers sombre, angoissant et troublant. Rien de nouveau jusqu’ici, si ce ne sont justement les structures délicatement agencées, comme l’ouverture du second mouvement, les phrasés délicats des chœurs féminins, le mouvement diabolique (mais n’est-ce pas normal ?) du troisième ; et surtout leur durée.
Le premier mouvement superbement amené nous invite à découvrir ce long développement qui oscille entre cette liturgie étrange et ces mouvements inquiétants mettant en valeur ces thèmes impressionnants, puissants et envoutants, d’une facture classique.
Le second mouvement s’échappe rapidement après un lent soliloque de la flûte ; et va prendre à l’aide du splendide motif central, une direction qui nous mènera peu à peu dans ce qui va ressembler à une bacchanale de plus en plus effrénée. Et quand on emploie le mot bacchanale, on l’emploie bien dans ses deux sens, le religieux (l’entité est maléfique, et renvoie à des cultes ésotériques) et son caractère tumultueux (voire débridé et païen)…
Le troisième mouvement puisant dans une sorte de crescendo où les voix féminines continuent de psalmodier - où la flûte devient plus libre et dans le même temps bien plus véloce, quitte à tenir un discours dissonant - devient de fait moderne et plus précisément d’une facture que n’auraient pas reniés les classiques modernes et par la suite les contemporains. Les voix toujours dans leurs phases susurrantes, vives et mélodiques (remarquables vers les 7 minutes) nous baignent dans un océan de sensations étonnantes, ce qui nous suggère ce terme de ‘bacchanale’, et que l’orchestre soutient dans son interprétation sans faille.
Le quatrième morceau intitulé « The Piper Score Suite » est probablement une des suites parmi les plus impressionnantes qu’il nous ait été donnée d’entendre, un long mouvement de plus de vingt minutes où se joue tout un univers musical, et où réapparaît comme transfiguré le fameux pipeau. Suite constituée des ‘passages’ musicaux du film, cette ensemble resplendit d’une inspiration que l’orchestration parfaite conduit à son aboutissement logique.
Si à certains moments de sa carrière, on a pu constater qu’il embrassait le moderne, la musique concrète, osant les expérimentations sans toutefois revenir vers ces phrasés superbement orchestrés, c’est loin d’être le cas sur THE PIPER qui redéfinit en une œuvre d’une cinquantaine de minutes la composition musicale sur un film d’horreur.
[J’avoue pour ma part être déçu de n’avoir pu l’intégrer dans mon ouvrage sur la musique dans les films d’horreur*… les aléas des sorties !]
Nous sommes définitivement conquis par cette composition exemplaire et puissante, preuve s’il en était besoin, que Christopher Young est un ‘grand’ de la composition. Alors on pourra toujours regretter que cet homme à l’immense talent soit si peu disponible pour répondre à des interviews, mais nous saurons nous tourner vers ses musiques qui nous émeuvent, qui nous remuent l’âme, et finalement, nous emportent avec elles.
Sylvain Ménard, avril 2024
FLUTE CONCERTO
01. Movement 1 (11:12)
02. Movement 2 (07:33)
03. Movement 3 (11:24)
Concerto Time : 30:11THE SCORE
04. Suite (21:11)CD Total Time: 51:13
* Lien : Horreur & Musique