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‘Ceci n’est pas une guerre’, la formidable aventure de MAGALI ROUCAUT et ERIC-JOHN BRETMEL

13 avril 2025 - 08:00
Sous la forme d’une comédie documentaire, ‘Ceci n’est pas une guerre’ nous promène dans un Paris déshumanisé semblant tout droit sorti d’un univers de science-fiction ; comme surgit d’une peinture de l’âge d’or de la SF ou pourquoi pas de la psyché d’un réalisateur de la nouvelle vague ; un monde vu en partie par le biais du prisme ‘réduit’ du cadrage vertical de la vidéo d’un téléphone numérique.
Nous avons l’impression avec ce métrage de retrouver l’ambiance et l’esthétique du film ‘La Jetée’ de Chris Marker, ce film de 1962, qui inspirera à Terry Gilliam son ‘Armée des 12 Singes’. Nous sommes donc clairement dans un métrage qui revendique une certaine paternité avec des films d’Art et d’essais, avec un développement et une mise en scène qu’on ne peut qualifier que d’avant gardistes ; les deux réalisateurs filmant de façon naturelle avec lenteur, s’attardant sur les images d’une télé vue au travers d’une fenêtre ; un monde sans humain, où demeurent les lumières ; un monde de bâtiments sans vie, sans animaux visibles et seulement quelques rares passants.
Est-ce finalement plus un film issu de la vague ‘naturaliste’, un film témoin de notre temps et d’une période ‘hors du temps’ et du monde, ce que fut la pandémie et les confinements ?
Le format court, le film dure 1h14, permet toutes les libertés, notamment celle de paraître ne pas avoir réellement de scénario et de filmer des saynètes, ou, par la suite, un habile travail de montage ‘cimentera’ le tout.
Passé une première impression où on se demande si nous sommes face à un simple film documentaire ; ce qui aurait peut être posé quelques problèmes en terme de créativité ou de conviction dans le jeu et le discours, voire à quelque chose qu’on ne comprendrait pas et qui deviendrait totalement indigeste ; on se prend très vite au jeu et on commence à suivre les péripéties à la Jacques Tati de son personnage central.
Pas réellement une comédie, pas réellement un film d’art et d’essais, cette vision d’un Paris sans âmes qui vive, d’un monde sans humain ; relève d’une forme d’avant-gardisme dans son approche et sa représentation visuelle. Le film se permet d’écorner au passage quelques idées reçues et autres images que nous avions en tête ; la façon que nous avons eu de traiter nos morts pendant cette période assez sombre, les discours relatifs aux gestes barrières, la quasi disparition de toute vie sociale et de relations humaines. Difficile alors de ne pas faire le rapprochement avec des temps de guerre, les abus de pouvoir et les exécutions ; remplacés ici par la déliquescence de la société, la crainte de l’autre, l’isolement et la perte de repères.
Vision post-apocalyptique d’un chamboulement majeur survenu en ce début de troisième millénaire, ‘Ceci n’est pas une guerre’ n’est pas de la fiction, mais bien la synthèse de la capture de différents moments d’une réalité sinistre et effarante ; mais que nos deux réalisateurs ont décidé de rendre un peu moins ténébrante et glaçante, en lui insufflant une dose de dérision et d’absurde.
Convaincant parce qu’il exprime nos peurs, et jouant ainsi le rôle de catharsis, ‘Ceci n’est pas une guerre’ se partage entre ces plans ‘confinés’ et au format rétréci, et des plans larges à la caméra qui élargissent notre perception lui rendant son humanité.
Original dans son approche, et très bien monté, le film provoque en nous de vraies sensations, s’y ajoutant le plaisir de déambuler dans un Paris différent ; et il est vrai que cadrer dans des rues parisiennes totalement désertiques apporte un cachet indéniable à n’importe quel métrage ; nous emportant dans une sorte de poésie surréaliste, et très française.
SYNOPSIS : Dans un Paris aux allures de science-fiction où la loi impose de rester chez soi, deux amis, Magali et Eric-John, s’aventurent à travers les rues désertes pour essayer de réinventer le lien aux autres. Dans la ville endormie, les fantômes sortent aussi, du fond des rues et des conversations téléphoniques entre Eric-John et son père, hanté par ses souvenirs de la seconde guerre mondiale...