Neige, le film de Juliet Berto et Jean-Henri Roger : ressortie le 5 janvier en version restaurée 4K

Neige, le film de Jean-Henri Roger et Juliet Berto sorti en 1981, sera sur les écrans le mercredi 5 janvier dans une version restaurée. Un joli film qui n’aura presque pas vieilli, un film qui par instant se fait documentaire au travers de certaines de ses descriptions, mais qui jamais n’oublie quel est son sujet principal : les gens !

Comme l’avait si bien dit Juliet Berto elle même : Barbès est le quartier où j’habite, il est vital que j’en parle. Quartier de Paris avec une vie multiraciale, Barbès occupe l’écran pour ce film classique se partageant entre nuances sombres, avec la drogue et la vie difficile, et un certain regard sur le monde, et sur Paris..
Et à une heure où dans le monde actuel, les discours restent toujours aussi frileux et ne mettent pas assez en garde les consommateurs des diverses drogues, rappelons que Juliet Berto s’était émue du manque de maturité de certaines réactions politiques et bien pensantes, et que la drogue fait et fera toujours autant de ravages.

Film sur l’amitié, l’amour et la vie, l’entraide et l’acceptation de l’autre avec toujours en point de mire l’absence de jugement ; Neige est également une histoire de personnes qui mélange les genres ! Un film policier, une histoire de dealer, une histoire de drogue et de gens qui en prennent et en meurent, oui c’est le sujet, aussi surprenant (et presque banal) soit-il et tellement d’actualité alors que nous ne pouvons qu’observer la dégradation des relations humaines, les menaces que les dealers et leurs sombres trafics font peser sur les gens. Dans Neige, le regard posé va d’abord sur ceux qui en souffrent, ceux qui ne peuvent s’en passer, ceux qui en meurent, car tel et bien l’objet de ce film. 
Une belle photographie, des décors « en vrais et en durs » et pas des décors de cinéma, Neige relève de fait de l’objet à part, parce qu’à l’époque il osait montrer ce côté multiracial et parfois sombre, et dénoncer sans insister les travers de la rue, de la prostitution à la consommation de drogue.

Film pas si polémique que cela - nous avons bien vu pire depuis (voire même avant) - Neige est une histoire engagée, une histoire qui nous raconte le quotidien de gens, un film sans excès, et ce même si certaines scènes peuvent paraître exagérées, un film qui se passe à un endroit où beaucoup de gens vivent et cohabitent pour le meilleur et parfois pour le pire. On ne pourra que constater l’amour pour ce quartier que lui portaient les deux réalisateurs, amour qui à l’époque a prévalu sur toute autre considération, lui offrant au final cette mise en avant bienveillante, où la notion de réalisme poétique prend tout son sens, entre une observation de ses nombreux paumés et marginaux et des gens simples et réalistes qui y habitent.


Loin du pamphlet sociétal, Neige est un film d’amour ; d’abord celui que portaient à ce quartier les deux réalisateurs Juliet Berto et Jean-Henri Roger, compagnons dans la vie ; ensuite l’histoire même de ce quartier qui au fil des décennies aura changé, mais dont certains se souviendront non pas pour de tristes affaires de drogues ou de sexe, mais bien parce que toute une population cosmopolite s’y côtoyait, qu’il était ouvert à tous et qu’on y trouvait autant de salles où découvrir des films venant du monde entier, que de petits 'bouibouis' finalement pas si désagréables.


Sur un scénario de Marc Villard, filmé par le talentueux directeur de la photographie William Lubtchansky (qui fut le collaborateur de Rivette, Truffaut, Lanzmann ou Godard), avec la toute récente (en 1981 !) pellicule Fuji 400 ASA, le film étonne par ses couleurs et ses contrastes. Après un travail complexe, dû en grande partie à la sensibilité de cette pellicule argentique utilisée quand fut tourné le film et dont il fallait tenir compte ; avec le choix de ces décors colorés, de ces rues aux néons éclatants et criards, et ces costumes chamarrés ; la nouvelle copie rend avec assez de justesse honneur à la version d’époque. Le travail d’étalonnage aura été supervisé par Renato Berta et Irina Lubtchansky, fille du directeur photo.

SYNOPSIS : Anita, elle est barmaid aÌ€ « La Vieilleuse », elle a un grand cœur. Willy lui, Anita il l’aime et c’est pas tous les jours facile. Jocko, lui est antillais, pour vivre son exil, son « truc » c’est l’église de la Sainte-Trinité dont il est le Pasteur. Tous les trois ils vivent sur les 800 meÌ€tres de boulevard entre BarbeÌ€s et Pigalle. Bobby c’est le moÌ‚me antillais du quartier, il fait profession de « dealer ». Anita l’a presque élevé ce moÌ‚me. Anita et ses deux copains, ils vont apprendre le prix du gramme d’héroïne.

Fiche technique
Réalisation : Jean-Henri Roger et Juliet Berto
Scénario : Juliet Berto, Jean-Henri Roger, Marc Villard
Photographie : William Lubtchansky
Montage : Yann Dedet
Décors : Max Berto
Musique : François Bréant, Bernard Lavilliers
Assistant réalisateur : Alain Nahum

Distribution : 
Juliet Berto : Anita
Jean-François Stévenin : Willy
Robert Liensol : Jocko
Patrick Chesnais : le premier inspecteur
Jean-François Balmer : le second inspecteur
Ras Paul I Nephtali : Bobby
Nini Crepon : Betty
Eddie Constantine
Frédérique Jamet
Paul Le Person : Bruno Vallès
Émilie Benoît
Anna Prucnal
Raymond Bussières
Bernard Lavilliers


Sylvain Ménard, janvier 2022