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'ALIEN ROMULUS', LE SCORE DE BENJAMIN WALLFISCH… UN BEL OPUS QUI S’INTÈGRE AVEC AISANCE DANS L’UNIVERS EXISTANT

14 février 2025 - 19:00
Dès l’écoute du mouvement introductif qui accompagne les premières images, puis tout du long d’un film très attendu, le compositeur BENJAMIN WALLFISCH réussit à nous emporter avec lui, dans une composition respectueuse de ce que représente ‘Alien’, soucieux de rendre hommage à la composition emblématique de Jerry Goldsmith, tout en citant avec intelligence Horner et Goldenthal.
Mélodique, parfois dissonant ou atonal, le compositeur signe avec ‘ALIEN ROMULUS’ une œuvre qui accompagne à la perfection un métrage abouti et conscient des enjeux à surmonter. Et des enjeux il y en avait, de l’écriture de l’histoire à la conception des environnements et des décors, du moindre équipement au design des vaisseaux, qui se devaient tous d’être en cohérence avec les deux métrages qui ‘l’encadre’ chronologiquement…
Et, tout ceci sans omettre sa musique que chaque fan attendait au tournant ! Et à n’en point douter, BENJAMIN WALLFISCH a réussit à s’intégrer dans l’univers ‘historique’, celui de Alien et Aliens, puis Alien 3 et Alien Resurrection - même si pour ces derniers il en est plus éloigné-, en nous livrant ce score puissant et inspiré.
Benjamin Wallfisch, compositeur auréolé d’une renommée certaine, notamment pour ses scores de ÇA (It, d’après Stephen King), Annabelle: Creation, Invisible Man, ou Crawlspace, revient à l’horreur avec l’attendu Alien Romulus. Première collaboration avec le Cinéaste uruguayen Fede Alvarez, Wallfish aborde sa partition avec intelligence et respect ; celui dû à la franchise Alien et à ses pairs, de Goldsmith à Horner en passant par Goldenthal, sans oublier de citer Gregson-Williams et les créations de Prometheus. Offrant à l’auditeur une richesse thématique certaine, allant de ces instants romantiques et grandioses - on pense à Jerry Goldsmith et à « The Landing » - à une certaine forme d’hommage à James Horner et Aliens dans des phrases plus brutales et stylisée, et jusqu’à Elliot Goldenthal sur des accords où se jouent une certaine dissonance, celle de Alien 3 ; le compositeur élabore une composition puissante et inspirée.
S’il reprend le thème original de Jerry Goldsmith, il est bien évident que c’est pour ancrer le métrage dans un contexte précis, tout comme il usera d’accords et de motifs qui immédiatement feront penser à l’auditeur attentif que Aliens se déroulera après. Son travail est assez étonnant sur les parties mélodiques et descriptives, usant de toute une panoplie d’instrument qui soulignent le mystère et la beauté de l’espace ; tandis que ses passages dissonants et agressifs s’offriront le luxe de donner une impression d’originalité à des instants qui sont par définition souvent ancrés dans des ‘gimmicks’ et des standards du genre ; réussissant à installer des ambiances particulièrement sombres et violentes.
« The Chrysalis » s’impose d’emblée comme l’ouverture que nous attendions sur un nouvel opus d’Alien, un passage que tout amateur de la franchise n’aura aucun mal à intégrer et apprécier pour ce qu’il est, une belle ouverture où s’insèrent quelques notes et chœurs de belle facture. « That's Our Sun », et « Wake Up » vont ensuite contribuer à installer cette ambiance ‘référentielle’, non pas parce qu’ils nous rappellent quelque chose de particulier comme des sonorités qu’on pourrait rattacher aux deux films (Alien et Aliens), mais bien car ils sont autonomes et enrichissent mélodiquement et orchestralement l’univers de la franchise. Tout comme le fera « Entering Nostromo », un morceau qui décline lentement une thématique inquiétante dans un mouvement où réapparaissent des motifs entendus sur « That's Our Sun », et nous offre un beau passage romantique et sombre. « Searching » quant à lui s’ouvrira avec les bois dans une jolie évocation, romantique ou classique moderne, un beau mouvement qui propose à l’auditeur (et spectateur) une phrase délicatement ciselée aux orchestrations superbes, d’une écriture qui ‘officialise’ cette composition en tant que musique d’un film Alien ! Ça peut paraître excessif dis comme ça, mais Prometheus de Marc Streitenfeld nous avait fortement déçu, Harry Gregson-Williams composant les thèmes complémentaires ; alors que le Alien: Covenant de Kurzel nous avait agréablement étonné, surpris que nous étions de voir Ridley Scott approuver l’utilisation de thèmes que lui même avait refusé sur Alien à l’époque.
C’est bien évidemment par la suite que les passages plus dynamiques, parfois déstructurés (rarement) et dissonants surgissent. Ça commence avec « There's Something in the Water », où subrepticement on aurait l’impression de retrouver des orchestrations propre à Goldenthal (Alien 3) notamment sur les cuivres ; « XX121 » où surgit le thème de Goldsmith, et pour cause puisque l’Alien et l’androïde semblable à Ash font leur apparition ; où sur « He's Glitchy », passage au rythme saccadé et moderne ; et « Run! » qui nous impose une sorte de crescendo qui se terminera adagietto sur son dernier tiers. L’irruption de « Prometheus Fire », et du motif tiré de Prometheus, fera le rapprochement avec les deux films de Ridley Scott que sont Prometheus et Alien Covenant ; une façon, alors que le public avait quelque peu boudé ces deux histoires se déroulant chronologiquement avant le premier Alien, d’établir un pont et de préparer aux révélations à venir.
Puis c’est l’arrivée des xenomorphes, qui s’illustrent au travers d’une belle ‘cacophonie’ de mouvements modernes et agressifs. « Guns V Acid Blood » installe la dynamique violente et agressive liée aux xenomorphes, tandis que « The Hive » nous offre un délicat moment d’apaisement. « Andy » et « Gravity Purge » s’établissent comme des passages intermédiaires avant la tempête qui arrive avec « Elevator Shaft Attack » (et une référence aux chœurs et cuivres de Goldentahl ?), « Get Away from Her » et « The Offspring » ! Mais que les choses soient bien claires, Benjamin Wallfish confirme sa volonté d’user du mode romantique et orchestral sur le passage au titre qui agit en tant que référence « Get Away from Her », du ‘Get Away from Her, You bitch’ de Aliens, qui ici sacralise la relation qu’entretiennent Andy et Raine, une relation fraternelle, et non plus maternelle comme sur le film de James Cameron. Atonalités et dissonances sont au rendez-vous sur « The Offspring », la révélation pour le spectateur d’une évolution, appelons-là ‘l’invité surprise’, un hybride humain et Alien, qui se voit consacrer un long morceau torturé et dérangeant, de facture anxiogène et qui nous étreint implacablement.
Les thèmes centraux bénéficient évidemment à Raine et Andy les deux personnages principaux - et ici Fede Alvarez a eu l’intelligence de faire d’un androïde un compagnon fidèle et agréable, plutôt que le pantin paranoïaque et démoniaque dont Ridley Scott nous a brossé le portrait dans Prometheus et Alien: Covenant, ce qui change agréablement des opus précédents, de cette image de l’intelligence artificielle (sous la forme d’un androïde) totalement dépravée.
A ceux qui se poseront la question relative au temps qui s’est écoulé entre la sortie du film et cette critique, il n’y a qu’une réponse. De plus en plus fréquemment il devient ardu d’obtenir des interviews, la faute en étant au manque d’intérêt des agents des compositeurs (mais vous direz que c’est leur travail que de donner des informations et de faciliter les entretiens), et des compositeurs eux mêmes.
Il est curieux de constater à quel point ils sont devenus frileux et ceci depuis assez récemment. Ils se replient souvent sur eux même, éprouvent peu d’empathie pour leur interlocuteur (nous autres chroniqueurs et critiques) et n’essaient même pas de cacher leur ennui.
Certes Benjamin Wallfisch répond à très peu d’interviews, mais quand s’y ajoute un manque évident de bonne volonté de la part son agent, avouons que la tache devient impossible. Ce fut le cas ici, malgré les mails, les attentes, les relances.
Alien: Romulus Soundtrack
Composed & Conducted by Benjamin Wallfisch
Label : Hollywood Records (2024)
Ttp: 57:0401• The Chrysalis (2:39)
02• That’s Our Sun (2:56)
02• Wake Up (1:41)
04• Entering Nostromo (2:53)
05• Searching (2:56)
06• There’s Something in the Water (2:50)
07• XX121 (3:38)
08• He’s Glitchy (4:28)
09• Run! (2:48)
10• Prometheus Fire (4:20)
11• Guns V Acid Blood (1:34)
12• The Hive (1:42)
13• Andy (1:39)
14• Gravity Purge (2:14)
15• Elevator Shaft Attack (1:23)
16• Get Away from Her (4:32)
17• The Offspring (6:08)
18• Collision Warning (3:36)
19• Raine (1:10)
20• Sleep (2:07)
Le vinyle est sorti en novembre sous la forme d’un double album gravé en couleur rouge sombre et argent. C’est l’illustrateur Kilian Eng, bien connu pour ses nombreuses œuvres hyper léchées et très colorées - son travail ferait penser à celui d’un certain Jean Giraud (Moebius pour les intimes) -, qui a eu la tache (pas si aisée peut être ?) de créer une illustration de pochette avec son intérieur.
Tracklist
Face A
01• The Chrysalis
02• That's Our Sun
03• Wake Up
04• Entering Nostromo
05• SearchingFace B
06• There's Something in the Water
07• XX121
08• He's Glitchy
09• Run!
10• Prometheus FireFace C
11• Guns V Acid Blood
12• The Hive
13• Andy
14• Gravity Purge
15• Elevator Shaft Attack
16• Get Away from HerFace D
17• The Offspring
18• Collision Warning
19• Raine
20• Sleep
Sylvain Ménard, février 2025
Et le hasard (où la poste anglaise) nous l'avait fait arriver au lendemain du 11 novembre… et sans mentir ; il est somptueux !