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‘Shikun’ un film engagé du réalisateur israélien Amos Gitai, sort le 6 mars
02 mars 2024 à 16h00
‘Shikun’ de Amos Gitai oscille entre cinéma expérimental avec ses plans cadrés et très peu d’effets et cette sensation d’assister à une représentation théâtrale. C’est un cinéma rugueux, presque clinique et abstrait, entre un film documentaire et un film avant-gardiste. Mais c’est surtout une sorte de témoignage ; qui arrive alors que les fatidiques évènements du 7 octobre 2023 et après, ont embrasés le Moyen-Orient ; un appel à la conscience collective, à la raison !
L’approche pourra déconcerter le spectateur mais on sent que le réalisateur cherche à donner une dimension et une certaine profondeur au travers d’un message particulier qui joue avec notre perception de l’environnement et de la réalité des choses. Pris dans cette mise en scène particulière, nous avons impression que les personnages déclament, jouent un rôle à l’intérieur du rôle, comme si la dynamique propre au métrage soulignait l’absurde dans ce qui devient une pièce d’art abstraite.
Les rhinocéros font bien évidemment références à la pièce de Ionesco, le réalisateur jouant au fur et à mesure de plus en plus de ce conflit entre la raison et le fantasme, s’attardant sur ses personnages qui déambulent, entre vies et souvenirs qui se télescopent.
La question que se pose alors le spectateur, est de savoir s’il y a un message particulier à comprendre dans le fait d’avoir filmé dans un univers excessivement désincarné (voire déshumanisé) constitué de béton, d’escaliers, de couloir et de coursive, pour souligner le sentiment d’errance et de crainte. Et justement c’est bien à l’aune de cette ‘crainte’, de cette peur, que ces questionnements quasiment psalmodiés par Irène Jacob, repris dans les questions des intervenants, surgissant au travers des échanges, des phrases, des souvenirs qui remontent ; que Amos Gitai pose son sujet : l’absurdité des guerres, du totalitarisme et de l’obscurantisme !
Amos Gitai cultive l’absurde et le non-sens avec une relative efficacité, nous délivrant le message final, quand une jeune femme demande dans combien d’années, ou de décennies, il y aura-t-il ce réveil, cette prise de conscience par rapport à ce que les générations précédentes ont fait…
Et à ce moment nous entrons dans la critique, laissant de côté l’allégorie, le rhinocéros représentant l’aveuglement, le sujet du film apparaissant de façon claire, ouvrant le débat autour du bien fondé de la politique israélienne.
Conçu et réalisé bien avant les évènements du 7 octobre 2023, le film est sorti en Israël selon la volonté de son réalisateur (ni report, ni modifications…) après ces dramatiques évènements qui ont endeuillés deux pays.
Nous pensons pour notre part qu’il a sa place en tant que témoignage d’une sorte de révolte, celle contre l’absurdité des hommes de guerre, et celle contre les ‘politiques jusqu’au boutistes’ menées par certains à l’encontre de toute logique… bien loin de l’intérêt du grand nombre !
SYNOPSIS : Au-delà des jours de conflit et de violence actuels, comment les gens peuvent-ils accepter l’existence de chacun, leurs différences et leurs différends ? Comme un instantané de la vie dans l’un des derniers espaces le Shikun, Israéliens, Palestiniens et autres vivent et se réunissent pour entamer un dialogue. L'émergence d’un rhinocéros bouleverse la communauté.
Sylvain Ménard, mars 2024