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LES MONDES PARALLELES de Yuhei Sakuragi

22 mai 2020 - 11:30
Abordant une thématique chère aux amateurs de science-fiction - le monde parallèle - Yuhei Sakuragi développe une intrigue dense et relativement complexe, regorgeant de maintes péripéties et nous ménageant quelques retournements de situations bienvenus.
Bénéficiant d’une animation extrêmement fluide et n’hésitant pas à innover en terme de capture de mouvements et de rendu graphique, cet anime nous propose une immersion dans une histoire où nous nous retrouvons pris et ballotés. Si certains paramètres nous sont connus ; l’univers étudiant japonais, les robots ou les « incarnations » à mi chemin entre l’homme et le monstre de chair pervertie ; l’histoire les utilise afin de nous amener vers cette conclusion douce amère, révélatrice de la fatalité japonaise ! Nous regretterons que le réalisateur ait décidé d’opter pour une explication trop évidente - et ce dès le début du film quant à la réalité de ces deux Japons parallèles. C’est sans doute la plus grande faiblesse du scénario, que d’avoir souhaité trop dire, même si l’on peut comprendre que les explications données permettaient au réalisateur de se focaliser sur ses personnages et les péripéties, privilégiant cette sorte de course contre la montre. L’histoire d’amour entre les deux lycéens est bien jolie (et comme souvent « contrariée »), les caractères secondaires sont définis et intéressants, même si l’on notera une absence totale de profondeur quant aux nobles du second Japon dont on ignore finalement tout.
Le film est aussi - et avant tout - une histoire d’amour, car en l’amour réside l’espoir, et l’idylle entre les deux lycéens offre cette image rassurante ; mais une image qui sera dans le même temps mise à mal par l’adversité et la mort. C’est sans doute le rebondissement scénaristique le plus original, impliquant donc de restructurer le déroulement des évènements, et de réussir à amener un dénouement optimiste qui rassurera les spectateurs… Mais ne sommes nous pas dans une histoire où le possible et la réalité sont facilement manipulables ?
Là réside l’une des réussites des MONDES PARALLELES, son scénario relativement original et le choix qui est fait de contourner certaines règles afin de conclure sur une note positive… en fait l’intention première du réalisateur qui semble être de ne pas partir sur ce pessimisme trop souvent fréquent.
On peut imaginer que l’expérience de Yuhei Sakuragi en tant qu’animateur lui aura servi à planifier ses scènes. On notera que les personnages sont animés avec un réalisme accru, les mouvements subtilement décalqués sur la réalité comme ces légères saccades, les ondulations des corps au cours de la marche (celle de Kotori, très féminine), les visages qui suivent et reflètent les émotions avec les ombres portées. Les plans, et notamment ceux d’ensembles avec de nombreux personnages, sont très bons et rajoutent à cette dimension réaliste, même si l’on peut regretter une utilisation parfois abusive des effets de flous entre les premiers plans et arrières plans, sans compter les effets de cadrages et de caméras trop référencés.
Portant un regard assez critique sur le monde qui l’entoure - et donc par extension sur le Japon et sa société qui engendre cette forme de déshumanisation - le réalisateur prend quelques risques mais réussit à faire passer un message où nous retiendrons au final que l’humain reste primordial.
Un film à voir et à comparer avec ceux de ses illustres prédécesseurs ; car il y a en effet matière à comparaison, que ce soit au niveau du thème utilisé, la science-fiction et l’univers parralèle ; ou de l’animation choisie, car le Japon innove constamment et d’un métrage à l’autre nous avons l’impression d’être ballotés de trouvailles technologique en révolutions numériques, qui semblent malheureusement prendre le pas sur tout autre considération. N’oublions pas que l’histoire et la richesse des personnages prime avant toute chose… Ici ce sera la dimension psychologique et dramatique qui sera finalement mise en avant.
Si LES MONDES PARALLELES est un film très agréable à regarder il n’est cependant pas exempt de défaut mais ce sont ces défauts précis qui nous permettent de croire en une chance de progression ou d’évolution ; et espérons-le, d’y voir l’arrivée d’un réalisateur avec lequel il faudra compter dorénavant !
SYNOPSIS
Shin et Kotori sont deux lycéens ordinaires qui vivent à Tokyo. Un jour, Shin rencontre son parfait sosie. Le garçon s’appelle Jin et prétend venir d’un monde parallèle sur lequel règne une princesse malfaisante. Pour sauver les siens, il doit vite trouver le double de la persécutrice. La vie des lycéens bascule quand Shin découvre que la sombre princesse ressemble à son amie...
LES MONDES PARALLELES (The Relative Worlds)
Réalisation : Yuhei Sakuragi
Scénario : Yuhei Sakuragi
Musique : Hidehiro Kawai
Producteur : Shion Komatsu
Production : Craftar Studios
Distribution : Eurozoom et Shōchiku
Durée : 93 minutes
Sylvain Ménard, mai 2020