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Empathie, le documentaire (Sortie avril 2020)
29 janvier 2020 à 14h50
Empathie, documentaire de Ed ANTOJA nous semble être un réquisitoire pour la cause animale et contre la souffrance que l’homme leur impose. Tout paraît alors être dit, mais le réalisateur se posant nombre de questions décide de se mettre en péril… « Et que se passerait-il si je voulais devenir Vegan »… sous entendu donc que les seuls Vegans ont le recul et qu’il s’agit de la seule voie existante ! Bien, admettons donc que l’humain mange trop de viande (in fine, c’est le discours) et inflige des souffrances inutiles aux animaux ! Toutes ces choses étant relativement exactes. L’homme consomme de la viande (et facultativement épuise les ressources de notre monde - ce qui est vrai), nuit à l’équilibre de la vie et instaure des règles qui philosophiquement et éthiquement vont à l’encontre de tout.
Pour détailler son approche le réalisateur (pas du tout Vegan à l’origine) va nous montrer des fermes, mais surtout le seul côté négatif, ce qui modifie dès lors son propos. Il y a une forme de parti pris, et ceci parce que nous savons à l’heure d’aujourd’hui et avec la couverture médiatique telle qu’elle est ; que l’Espagne est un très mauvais exemple de respect en terme d’élevage et d’agriculture. Ne nous voilons pas la face, c’est sûrement vrai un peu partout ailleurs… mais commencer à montrer des exploitations intensives, des élevages sans respect aucun de la vie animale est troublant. Malgré tout, nous aurons quand même droit à quelques phrases d’un éleveur respectueux de ses animaux - présumons donc qu’il n’est pas le seul !
On évoque le lien émotionnel qui n’existe pas, ce rapport dominant dominé ; certes, mais existe t-il seulement dans la nature ? Ce lien absent donc, est-il ce qui prévaut afin d’expliquer notre manque d’empathie pour tout ce qui n’est pas animal familier ? - et surtout la souffrance que nous infligeons ! Peut-on croire que le loup ou le lion agissent avec noblesse quand ils coursent et éventrent leur proies ? Les Vegans insistent beaucoup sur ce rapport et le fait que l’homme n’est pas carnivore - alors qu’est-il ?
Cependant le métrage évolue maintenant vers le constat de ce que l’homme fait lorsqu’il ne consomme pas les animaux. Nous sommes partis sur une réflexion portant sur les zoos. Chacun appréciera donc de se voir finalement réduit à un rôle de simple observateur de l’extinction des animaux. Or - si l’on est réduit à cette simple expression - on n’oubliera pas néanmoins de souligner le travail fait par des chercheurs afin de soigner, aider et sauver certaines espèces en les mettant dans des milieux protégés (certes en captivité) mais au moins hors de portée des braconniers ou autres exportateurs de cornes, d’ailerons, que sais-je ! Soulignons également l’aide apportée à la reproduction d’espèces en danger ou en voie d’extinction. Il est vrai que ce que fait l’homme n’est pas bon, mais tout n’est pas mauvais. Porter à nouveau tout le poids du monde, en faisant ressortir uniquement la mauvaise conscience de chacun ne résoudra pas le problème.
Quel être humain ne pourrait pas être sensible au sort des animaux ? C’est terriblement réducteur que de ramener ce discours (trop complexe) aux seuls tenants d’une doctrine - de fait un choix de vie et d’alimentation - qui ose même s’appuyer sur des faits plus ou moins utiles, comme celui de révéler que Einstein lui même ne mangeait pas de viande ! Là, pointe ce que nous pouvions craindre, l’ostratisation, l’apparition d’une forme de mise à l’écart. Parler de la violence faite aux animaux est une chose - en tant qu’humain nous devons vivre avec ce monde et non contre lui - mais jouer de l’amalgame et juger tout ce qui n’est pas comme nous devient extrêmement dangereux.
Aussi, loin de remporter tous les suffrages, ce documentaire se fait le véhicule - objectivement ou non - de pensées portées par un nombre restreint qui dans sa volonté d’exprimer son opinion, souhaiterait imposer ses vues. Le réalisateur en voulant jouer la carte de la transparence, ne fait finalement que souligner un discours pré-existant, connu et qui ne fait qu’entériner l’opposition entre les Vegans et les autres sans apporter de solutions, car comment qualifier de solutions viable l’abandon complet de toute forme d’exploitation et de consommation liées aux animaux !? Il apparaît improbable que la majorité de la population mondiale se résigne à abandonner sa consommation de viande ; alors réussir à proposer quelques alternatives ou modérer l’exploitation des ressources et assurer des conditions dignes et sans souffrances aux animaux d’élevage reste une priorité.
Mais de la à dire que jamais rien n’est fait que les éleveurs continuent à blesser leurs animaux ou bien que la société n’en a cure n’a jamais été aussi faux. Nous en prendrons pour preuve les fermetures d’abattoirs, les plaintes déposées contre des fermes et des entreprises qui ne respectent pas les animaux… et surtout l’établissement de chartes de respect de la vie animale et de labels ! Alors c’est probablement ici que se pose le problème du réalisateur, réussir à relater des faits, les poser sans prendre parti et surtout établir ces faits dans un contexte global ; l’Europe ou le monde ; sans s’axer sur ce qu’il aura eu à sa proximité immédiate et qui ne reflète pas (dieu merci) une généralité.
Au final ce qui est une démarche personnelle - celle de Ed Antoha, le réalisateur - devient sa révélation, un changement de vie radical ; sans oublier quand même de prendre un ou deux compléments alimentaires en raison des risques de déficience multiples. Mais n’oublions pas que cette attitude, ce choix d’une vie différente - pour aussi vertueuse qu’elle soit - servira des lobbies et des industries dédiées !… Business, business… quand tu nous tiens !!
Documentaire primé et remarqué dans des festival il vous interpellera probablement, mais ce qui restera le plus gênant est ce côté "donneur de leçon". Car il est bien évident qu’on ne peut mettre côte à côte deux types d’individus et de consommateurs, sans en venir aux comparaisons - le discours sur les zoo et les parcs aquatiques par exemple, que l’on y soit déjà allé ou pas - ni au discours moralisateur donc !
Sylvain Ménard, janvier 2020