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Au cimetière de la pellicule de Thierno Souleymane Diallo, une œuvre poétique et sensible ! Sortie le 5 juillet
02 juillet 2023 à 10h00
Vu au travers du prisme du cinéma et mis en scène avec brio sur ce film-documentaire, avec en toile de fond le questionnement relatif à la culture et son accès, Thierno Souleymane Diallo nous offre une magistrale démonstration de ce qui ne va pas dans le monde d’aujourd’hui, où on oublie plus rapidement et facilement qu’on s’avère en mesure d’engranger des connaissances, et surtout de les restituer. Ainsi, d’emblée, ’Au cimetière de la pellicule’ nous apparaît étonnement percutant et puissant dans son discours et sa prise de conscience quant à la perte de nos racines et de nos mémoires.
Parce qu’on y parle de culture et de mémoire, le film documentaire du guinéen Thierno Souleymane Diallo, Au cimetière de la pellicule, nous a fortement impressionné. Rares sont les métrages à poser aussi clairement (et parfois intuitivement) autant de notions fondamentales, qui renvoient toutes à la compréhension de notre histoire, de notre patrimoine et de notre culture. La beauté du sujet vient ici - et c’est très évident - du fait qu’il s’agit d’une société plus rurale, moins ouverte au modernisme que nos soi-disantes ‘sociétés occidentales sophistiquées’ (ce qui en fait un acronyme intéressant ; SOS !) ; et qui paraît presque plus demandeuse, comme lors de ces scènes de projection en plein air ! Et même si plus tard lors de ses recherches du film perdu, le réalisateur nous montre des vendeurs de DVD dans les villes, il souligne ces images qui font de la sorte référence à la mondialisation et à un accès à la culture… mais de fait de quel culture s’agit-il ?
Sur un sujet d’importance - mais peut être est-ce le seul qui vaille finalement aujourd’hui ? - parce que renvoyant dos à dos les générations et les peuples ; le réalisateur nous pose cette question relative à nos cultures, à nos souvenirs. Et nous le savons il n’y a rien de plus important que de ne pas oublier d’où nous venons et qui nous sommes ! Les images superbes - soulignons le très beau travail de cadre et au niveau de la couleur - sont au delà d’un dépaysement certain, la marque d’un réalisateur en devenir et sur lequel nous espérons avoir l’occasion de nous pencher à nouveau.
Emprunt d’une dimension très poétique, et d’une certaine forme de nonchalance sans doute, même si elle se rattache parfois à des souvenirs liés à la colonisation, Au cimetière de la pellicule cultive une vision profonde d’un pays en mutation trop souvent rapide, trop souvent oublieuse de la nécessité de l’exercice de mémoire.
Et quel autre objet pourrait libérer cette mémoire et ressourcer les gens - et ce que que soit leur pays d’origine - si ce n’est la pellicule d’un film, objet de convoitise peut être, ne s’agit-il pas du premier film africain ? ; mais surtout objet de consensus, rassembleur et clivant, puisque représentatif d’une forme de libération !?
Et cette libération est tout autant humaine et sociale que culturelle, comme le démontre avec tendresse le réalisateur.
Son film devenu « témoignage » nous parle de la vie, de l’histoire qui nous imprègne, mais par dessus tout de ce qui fait de nous des humains, notre capacité à dépasser notre environnement en créant et en offrant la possibilité aux autres de découvrir ce que nous sommes.
Alors que les guerres n’ont jamais été plus présentes, que l’ignorance et la volonté de domination de minorités perpétuent des comportements dépassés ; le film de Thierno Souleymane Diallo semble échapper au temps, œuvre sensible et irréprochable dans son message et la nécessité d’agir.
Synopsis : Mamlo parcourt la Guinée à la recherche de "Mouramani", premier film tourné en 1953, par un noir d’Afrique francophone. Dans cette quête, il découvre ce que fut le cinéma dans son pays et ce qu’il est devenu. Confrontant sa caméra à l’Histoire, il cherche jusqu’en France une copie de ce film disparu.
Sylvain Ménard, juillet 2023
Réalisation : Thierno Souleymane DIALLO
Scénariste : Thierno Souleymane Diallo
Directeurs de la photo : Leïla Chaïbi, Thierno Souleymane Diallo
Ingénieurs du son : Ophélie Boully, Jean-Marie Salque
Musique : Dom Peter
Montage : Aurélie Jourdan, Marianne Haroche
Monteur son : Brice Kartmann
Assistant Réalisateur : Didier Dematons
Etalonnage : Antoine Polin