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APRÈS LA NUIT : Un film de Marius Olteanu
17 décembre 2019 à 17h00
Premier acte : Une gare, une femme. Dana le personnage féminin prend un taxi, arrivée chez elle elle refusera de sortir et déambulera dans la ville jusqu’à ce qu’enfin elle rentre chez elle.
Deuxième acte : Arthur le mari est en ville, ne rentre pas immédiatement chez lui et se retrouve chez un homme rencontré sur une application de drague…
Troisième acte : la vie quotidienne (après la nuit !). Dana et Arthur sont ensembles, ils doivent sortir, aller à un baptême et voir la grand mère d'Arthur. Ils cherchent à se parler, s’évitent, se trouvent par instant et finalement à la toute fin s’avouent ne pas vouloir se quitter… oui, mais pourquoi, alors que toute sorte de sentiment semble être absente et que Dana sait pour Arthur !?
Voilà posée la trame de ce film. Le problème à sa vision est qu’on ne sait pas si on se trouve dans une tendance cinématographique où l’on est contraint d’observer une réalité fragmentée, le reflet d’existences détachées morceaux par morceaux, par bribes ; ou bien dans un mouvement moderniste et non conformiste, comme certaines discussions (le couple de voisins avec la femme enceinte dans le taxi par exemple) le laisserait penser. Loin d’être inintéressant il offre des personnages vivants et complexes, mais dont certains semblent à contrario fades ; et nous ne parlerons pas de cette sensation de froideur, de ce manque d’humour ou de recul par rapport aux situations.
Le film est ceci dit assez prenant parce que les acteurs sonnent justes, mais l’univers très peu détaillé au sein duquel ils évoluent nous laisse lui totalement froid, et alors que nous n’éprouvons finalement que peu d’empathie, une trop grande lenteur emporte le peu que nous ressentions.
Structuré en trois parties - où nous nous retrouvons à déambuler dans une ville crépusculaire sur les deux premières - le réalisateur promène cette langueur parfois déconcertante que l’absence totale de musique ou même de bruits d’ambiance rend encore plus pesante. On peut alors penser à du cinéma d’auteur ou du cinéma expérimental ; du théâtre filmé ! Mais ça ne changera pas le point de vue que l’on a de ces personnages en quête de leur réalité.
L’un des reproches les plus évidents sur ces deux parties est ce cadre au format 4/3 qui nous écrase et finalement n’apporte pas grand chose au sujet. On remarquera d’ailleurs que l’utilisation de ce format commence à prendre des airs de déjà vu, avec les nombreuses productions qui en abusent. Ici on se sent encore plus enfermé mais avec en sus ce phénomène de décalage temporel, une sorte de retour vers un vieux cinéma alors que l’on devrait se porter vers quelques chose d’avant gardiste ! C’est d’autant plus curieux que le cadre s’ouvrira à 1h22 du métrage dans une volonté évidente de rassembler les deux personnages titres et de les réunir - et donc d’ouvrir le cadre - tout en affichant alors le titre "Monstri" !
Mais ce qui aurait pu finalement résulter d’un choix dramatique et cinématique, nous laisse sur notre faim tant leur souffrance et leur incapacité à communiquer nous trouble.
Le titre original « Monstri » (monstre) est-il alors l’ultime revendication d’une humanité en perdition, où chacun se cache des autres (les deux personnages principaux), un effet pervers de notre société moderne et affairée ? Pour ma part - et curieusement je l’avoue - je préfère le titre français « APRÈS LA NUIT » qui du moins prouve que le distributeur a vu le film et l’a compris !
C’est un métrage dont on peut sous-estimer aisément la profondeur, mais c’est également un film dont les défauts latents peuvent gêner à la longue. Sans doute le réalisateur Marius Olteanu, dont c’est là le premier film, a t-il péché par excès d’intention, ; il faut avouer que certains cadrages sont très statiques et que son 4/3 est étouffant ; et qu’il faut lui laisser le temps d’évoluer. Attendons donc de voir ce que sera son prochain sujet et son approche en terme d’esthétisme.
Synopsis : Dana et Arthur, la quarantaine, sont mariés depuis près de dix ans. Mais quelque chose s’est fissuré, à cause de leurs besoins, de leurs croyances, de ce que la vie leur offre, de leurs démons intimes. Un jour, ils devront décider si laisser partir l’autre n’est finalement pas la plus grande des preuves d’amour.
Sylvain Ménard, décembre 2019