‘Que notre joie demeure’ s’inscrit dans ce contexte de films qui narrent une histoire en relation avec des attentats terroristes, et de ce fait est une œuvre qui doit tenter de garder une relative distance, au risque de tomber dans le pamphlet ou la condamnation pure et dure. Entre regard sur un homme de dieu et observation d’un jeune homme révolté par ce qui se passe au proche orient ; entre le dévouement d’un homme de dieu et un jeune homme qui se laisse attirer dans les filets de l’intolérance et du fanatisme religieux ; il y a tout un monde. Finement observées et jouées, les pérégrinations du jeune homme relèvent d’une quête absurde, d’un obscurantisme poussé à l’extrême et qui vont le pousser vers l’acte irrémédiable. La manipulation dans ce qu’elle a d’insidieux, les théories du complot, les ‘revisites’ de l’histoire sont montrées dans quelques scènes qui loin de paraître excessives ne sont que le reflet d’une triste réalité.
Chacun jugera en son âme et conscience de la possibilité de pardonner, car il est plus qu’évident que nous sommes différents et ne sommes pas animés des mêmes intentions. Pour sa part la réalisatrice avec finesse et recul ne nous impose pas sa vision, nous laissant choisir ce que nous souhaitons garder alors que l’écran devient noir. Exercice complexe et ingrat, mettre en scène une œuvre (qu’elle soit d’ailleurs cinématographique, théâtrale ou simplement verbale) de ce type, nécessitait un courage certain et une empathie pour les autres. Cheyenne Carron réussit à nous rendre vivante, simple et directe cette évocation d’une vie, qui bientôt prendra fin. S’attardant sur la tendresse qui émane du père Hamel, dans ses entretiens avec ses paroissiens et lors de ses connexions profondes avec les autres, elle brosse un portrait qui renvoie l’image d’un homme sincère.
La scène finale avec la mère du terroriste, amoureuse de la littérature française et de Voltaire, de la liberté d’être tout simplement ; est une des scènes les plus belles, mais aussi des plus bouleversantes, qu’il nous ait été donné de voir ; et dans le même temps violente, car comment comprendre qu’avec une mère telle que celle qu’il avait, avec un accès à la culture et à l’empathie, le jeune homme ait pu commettre l’irréparable ?
Si l’on devait garder une chose, une seule, ce serait sans doute cette image-ci, celle de cet homme dont la vie fut probablement exclusivement axée sur les autres en véritable humaniste. Et à ce moment ferons-nous le constat désespérant et attristé quant au nombre de vies qui sont gâchées, perdues pour telle ou telle raison, telle ou telle cause !
C’est un film - comme d’autres le furent avant lui - qui permet de mieux comprendre la foi, de mieux comprendre ce que peut représenter le don de soi.
Et à l’heure d’aujourd’hui, alors que l’incompréhension règne, que le repli sur soi est prédominant, ‘Que notre joie demeure’ nous semble appeler à l’ouverture et à la compréhension de l’autre, ce qui cruellement fait défaut aujourd’hui.
Synopsis : Le film s’attarde sur les évènements qui ont précédé l’attentat terroriste qui a coûté la vie au prêtre Jacques Hamel à l’église de Saint-Étienne-du-Rouvray en 2016, peu de temps après l’attentat de Nice.
Sylvain Ménard, avril 2024
Technique
Que notre joie demeure
Réalisation et scénario : Cheyenne Carron
Costumes : Marina Massocco
Décors : Cheyenne Carron
Son : Jérôme Schmitt
Mixage : François Saintin
Montage : Yannis Polinacci
Société de production : Hésiode Productions, Canal +
Distribution : HésiodeCasting
Daniel Berlioux : Père Hamel
Oussem Kadri : Adel Kermiche
Majida Ghomari : Fatima Kermiche
Gérard Chaillou : Monsieur Coponet
Najla Barouni : Soeur Leïla Kermiche
Véronique Frumy : Roseline Hamel
Nathalie Charade : Soeur Hélène
Séverine Warneys : La fille de Roseline Hamel
Sofiane Kaddour : Yassin
Laurent Borel : Le clochard
Rachid Moura : L'imam
Anne Sicard : Paroissienne
Timothée Vaganay : Lucas Gambert
Chloé DiGrégorio
Wafya Cochet
Agnès Godey
Farès Choua