N’est-ce pas une ‘curiosité’ que d’avoir construit un film documentaire autour d’une image extraite d’un court-métrage emblématique ; la jetée de Chris Marker ? Mais au-delà de ce que représente cette démarche, se pose la question du souvenir, celui du personnage qui se retrouve sur une photo extraite du film où on le voit de dos avec ses parents à l’aéroport d’ Orly ; et plus prosaïquement, sûrement, celle de la mémoire et de l’image.
C’est l’histoire d’un photogramme* perdu dans des milliers d’autres  (ce qui compose le film) ; et qui ouvre les portes d’une mémoire familiale et d’une page de vie, marquée du sceau de la politique et de l’histoire.

Plongée dans l’intime (ou peu s’en faut) d’une famille, celle de la réalisatrice, ‘Le cinquième plan de La Jetée’ est une œuvre étonnante qui incite à la réflexion, en nous invitant à partager cette quête, à la recherche d’un moment échappé au temps, un moment figé sur la pellicule d’un métrage… 
Mais est-ce qu’il faut comprendre que là nous parlons bien d’une image extraite d’un film ? ; le film de Chris Marker, en lui-même monté, presque intégralement, à partir de photos et de plan statiques, car il n’y a qu’un seul plan dynamique !
Et pour le spectateur, il faut également comprendre que dans cette histoire-ci, il y a un film expérimental, considéré par beaucoup comme un chef-d’œuvre, un film, constitué de photographies en noir et blanc d’une durée de 28 minutes.
Terry Gilliam en tirera son film, L’Armée des 12 Singes, avec Bruce Willis dans le rôle principal, en 1995. On oubliera pas de mentionner également 12 Monkeys, une série de 2015 en 47 épisode, basée sur le même postulat.

Ce métrage s’inscrit donc dans une démarche spécifique, un peu dans l’esprit de « À la recherche du temps perdu ».
Ainsi cette quête d’un souvenir, d’une image qui marque une famille, porte en elle le sceau de l’identité et de la mémoire. Jolie déclinaison - et ce n’est pas donné à tout le monde de pouvoir s’y prêter de cette façon - le documentaire nous emporte dans un mouvement de quête instantanée et viscérale (parfois drôle et ‘en roue libre’), qui souligne la probabilité de la véracité du plan et le fait que jeune garçon de dos représente in finé le héros du film, personnage que l’on découvre par la suite.

L’implication de certains membres de la fratrie, l’imbrication des éléments, les coïncidences qui s’accumulent, le fait que Chris Marker lui même connaissait la famille Cabrera ; s’ajoutent à ce jeu de piste qui semble se bâtir sur cette ‘projection’ toute simple ; mais est-ce bien eux que l’on voit de dos ? S’agit-il bien de ces membres de la famille ?

Un film documentaire assez fou, poétique et décalé ; une œuvre presque abstraite par instant, mais infiniment nécessaire dans sa recherche d’une vérité (et ce quelle qu’elle soit), encore plus dans un monde moderne trop oublieux et auto-confiné !

Nous avions eu l’occasion de parler de l’ouvrage consacré à Dominique Cabrera et sorti en 2023, dans l’article « DOMINIQUE CABRERA ; LA CINÉASTE & LA FEMME ENGAGÉE »

SYNOPSIS : Le cousin de la réalisatrice, Jean-Henri, se reconnaiÌ‚t dans La Jetée de Chris Marker. Il est laÌ€ de dos, avec ses parents sur la terrasse d’Orly dans le cinquieÌ€me plan du film. Aucun doute, il reconnaiÌ‚t ses oreilles décollées. Et si c’est lui, il est le héros du film, enfant... Dominique Cabrera est immédiatement happée par cette enqueÌ‚te intime et historique ; quelle était la probabilité pour que Marker et les Cabrera choisissent le meÌ‚me dimanche de 1962 pour se rendre sur la jetée d’Orly ?

Sylvain Ménard, novembre 2025

* Le photogramme est le nom donné aux images d’une pellicule ; il s’agit de l’image extraite d’un film

Le cinquième plan de La Jetée (Documentaire, 2024, 97 minutes)
Ecrit et réalisé par Dominique Cabrera
avec la collaboration d’Edmée Doroszlaï
Image : Karine Aulnette
Montage : Sophie Brunet, Dominique Barbier
Son : François Waledisch
Montage son : Elias Boughedir
Mixage : Nathalie Vidal
Trucages : Mariana Pottier
Décors : Etna et ADP Orly
Etalonnage : Magali Leonard
Musique : Béatrice Thiriet, Elise Bertrand (violon), Oscar Turbant (mandoline)
Produit par : Ad Libitum - Edmée Doroszlaï, Emilie Dudognon,
Grégory Ghersy, Caroline Glorion
En association avec ARTE France - La Lucarne
Avec le soutien du Centre national des arts plastiques
(Image/Mouvement)
Ministère de la Culture et de la Communication
Avec la participation du Centre national du Cinéma et de l’Image Animée
Avec le soutien de la PROCIREP - Société des Producteurs de
Cinéma et de Télévision et de l’ANGOA
Avec le soutien de Brouillon d’un reÌ‚ve de la SCAM - La Culture avec la Copie Privée

Lien : https://www.cinemaradio.net/news/dominique-cabrera-la-cineaste-la-femme-engagee-324