Le documentaire nous invite pour une longue promenade dans les terres viticoles, nous amenant à nous interroger en même temps que les intervenants sur la façon de travailler le sol, le rendement qui impose des contraintes, et le respect de la terre, sans oublier les variétés qui se doivent de respecter une forme de diversité qui existait au préalable. Tous ces éléments bien montrés dans le documentaire sont étayés par les entretiens, affichant également la volonté d’aller vers des productions moins standardisées, très qualitatives, mais destinées à une clientèle aisée.
Cette volonté ‘belle’ et très ‘noble’, reste à nos yeux (que nous aimions le vin ou pas) une histoire de développement et de survie.
Compliqué alors d’avoir cette vision globale, car nous sentons bien l’envie de la réalisatrice de montrer ce qu’il y de mieux, mais en passant sous silence la grande majorité des viticulteurs.
Ceci dit le documentaire est une bouffée d’air frais dans un monde viticole en partie gangréné par les décisions mauvaises, celles notamment liées aux volumes où à la rentabilité ! … sans parler du dur combat contre les nuisibles, avec les insectes, les parasites et autres… Autant de choses qui impactent le vin, de sa culture à la conception aromatique, en passant par le vieillissement et jusqu’à la mise en bouteilles.
Se posera au terme des ces intéressantes rencontres, la nécessaire question des coûts de productions et de leur répercussion sur ce que nous buvons. Si à ce niveau le discours n’est certes pas neuf, il demeure obligatoire d’être conscient que loin des circuits de distributions qui imposent quotas et types de production ; il y a d’autres voies, plus sobres, plus respectueuses des sols (et finalement des gens) qui s’offrent à nous.
Est-ce que certaines de ces productions deviennent alors exclusivement destinées à des élites ? La réponse est probablement oui, tant produire différemment a un coût plus élevé (l’exemple criant du Bio), nécessitant plus d’entretien, plus d’investissement ‘physique’ de la part des viticulteurs. Mais là nous touchons à une dimension inhérente à chaque propriétaire, à sa culture propre, son éducation et la volonté qu’il aurait d’aller vers tel ou tel type de production.
In finé c’est le consommateur qui choisira, mais ce n’est pas sûr qu’il ait le choix, car entre des bouteilles à petits prix, et d’autres assez chères - et il n’y a parfois que très peu d’écart entre les deux - choisir restera compliqué. Et la crise est bien là, celle relative au coût de la vie perdure et risque de perdurer encore !
La réflexion de Aline Geller qui l’a amenée à réaliser ce documentaire sur le vin nature, est primordiale ; d’où l’intérêt de ces nombreux constats que nous autres spectateurs (et consommateurs) avons découvert au fil du temps. Mais ce constat-ci doit être tempéré par d’autres considérations, tant à l’heure d’aujourd’hui il nous paraît évident que nul n’a la réponse définitive, d’autres voies et d’autres modes de production, tout autant vertueux, existant en parallèle.
Un documentaire à voir pour appréhender un autre type de développement et de pérennisation des cultures, et qui de fait soulèvera presque plus de questions qu’il n’aura apporté de réponses. Mais n’est-ce pas finalement le propos d’un bon documentaire ; montrer et apporter des éléments de réponses, offrir des solutions… et ouvrir les champs des possibles ?
Synopsis : Hier anecdotique car cantonné à une poignée de vignerons et réservé à une caste de consommateurs initiés, le marché du vin nature se démocratise. Il est dorénavant perçu comme un mode de production et de consommation respectueux de la nature et des hommes. Il suscite de nouvelles vocations et réenchante un monde agricole souvent déconsidéré. Des stars aux pionniers, en passant par les néo-vignerons, La Révole Nature part à la découverte de celles et ceux qui font le vin nature d'aujourd'hui.
LA RÉVOLE NATURE (France | documentaire | 1h33)
un film documentaire de Aline Geller, au cinéma le 10 mai (Urban distribution)
Sylvain Ménard, mai 2023