L’ennemi, un thriller de Stephan Streker

S’appuyant sur un fait divers qui avait défrayé la chronique il y a quelques années, le réalisateur Stephan Streker nous propose un film bâti comme un jeu du chat et de la souris ; qui est coupable et qui ne l’est pas, cultivant les faux semblants et ce faisant une petite sensation de déjà vu !

Passé ce constat de déjà vu, nous devons reconnaître que le jeu de Jérémie Renier n’est pas à remettre en cause, ni même celui des seconds rôles, mais qu’il y a quelques lenteurs et des facilités dans le traitement de l’histoire, sans compter que tout ce qui arrive découle d’une incompréhension linguistique ; le personnage central ne parlant pas le flamand. Sous couvert d’une confrontation larvée entre les Wallons et les Flamands, le réalisateur instruit son sujet dans un contexte qui présuppose une tension automatique qui existerait entre les provinces. Pour n’être pas des spécialistes de la Belgique, nous nous retrouvons de fait confrontés à un dilemme : est-ce que tout ceci ne relève que d’une différence culturelle ? Et est-ce là le sujet du film ?

De figure montante de la politique belge - francophone de surcroit - confronté à une affaire se passant en territoire ‘ennemi’ donc flamand ; le sujet passe alors d’une étude comportementale (quasiment) du personnage, avec ses goûts et ses relations aux femmes (possessives) par la même traitant de ‘l’ennemi’, intime celui-ci, ; puis empruntera la voix du complot politique, s’essayant en cours de route au film carcéral. 
Si les parties liées à l’enquête semblent un peu légères, car réduites à cette simple équation qu’est la différence de langue ; celles qui le montrent avec sa femme, leurs jeux et leurs duels (physiques ou psychologiques) sont plus intéressantes, quoique effectivement déjà vues. Le sujet aurait pu être ainsi mieux ‘cadré’, le personnage, sa femme et leurs démons étant somme toute ce qui est le plus parlant pour le spectateur aujourd’hui, alors que la partie purement judiciaire ne fait que souligner ce qui n’est qu’une évidence pour nous autres français - la compétition entre Flamands et Wallons.

Mais l’ensemble se voit avec un relatif plaisir notamment grâce à des seconds rôles bien campés, Nadia Jodorowsky dans le rôle de sa femme, ou Zacharie Chasseriaud dans celui du fils. Le film est également parcouru de quelques dialogues étonnants comme la tirade de l’avocate sur la justice et les médias qui sont une charge plus que bienvenue ! 
Alors est-ce que "l'ennemi" cité est celui qui réside dans cette opposition reconnue, ou bien dans la psyché du personnage et la dualité qui l’habite ? Le spectateur se fera sa propre idée, mais il est certain qu’à bien des titres l’ennemi de l’histoire c’est avant toute chose, ce pays en lui même !

Bande annonce

Synopsis : Un célèbre homme politique est accusé d’avoir tué son épouse retrouvée morte, une nuit, dans leur chambre d’hôtel. Est-il coupable ou innocent ? Personne ne le sait. Et peut-être lui non plus.

Technique : 
Réalisation : Stephan Streker
Scénario : Stephan Streker
Directrice de production : Solveig Harper
Directeur de la photographie : Léo Lefèvre (SBC)
Régie : Christophe Vincent, Wim De Waegeneare
1er assistant réalisation : Harald Rude
Scripte : Alexandre De Melas
Son : Olivier Ronval, Alain Goniva, François Dumont, Jean-Pierre Laforce
Montage : Mathilde Muyard, Jérôme Guiot
Dir de casting : Ann Willems
Décors et Costumes : Catherine Cosme
Maquillage : Katja Reinert-Alexis
Produit par : Michaël Goldberg, Boris Van Gils
Production : Daylight Films, Formosa Productions
Producteur exécutif : Thomas Jaubert
Co-produit par : Bac Cinéma, RTBF (Télévision belge), Proximus, VOO & Betv, Libellule Production, Polaris Film Production, BNP Paribas Fortis Film Finance
Avec l’aide de : Centre du Cinéma et de l’Audiovisuel de la Fédération Wallonie-Bruxelles
Et la participation de : Film Fund Luxembourg, Région de Bruxelles-Capitale, Programme Média de l’Union Européenne

Casting : 
Jérémie Renier, Alma Jodorowsky, Emmanuelle Bercot, Félix Maritaud, Zacharie Chasseriaud, Sam Louwyck, Peter Van den Begin, Bruno Vanden Broecke…

Sylvain Ménard, janvier 2022