Le film nous invite à rencontrer Maria et Sigmund, un couple qui nous paraît de prime abord avoir créé un environnement équilibré et aimant, mais très rapidement où les failles et les évidences d’une ‘discordance’ s’affichent. Sur cette trame, Lilja Ingolfsdottir dresse le constat d’une sorte d’échec, celui de la relation humaine, de la non-communication et de la peur.
Un peu trop long et trop insistant sur certaines étapes, comme lorsque Maria essaie de joindre son mari, le film fait à nos yeux ressortir certaines facettes de l’un ou de l’autre, mais accentue très rapidement l’impression de se retrouver face à une femme aigrie et souvent vindicative. S’appuyant sur cette dynamique - entre regards fuyants, phrases qui sonnent faux, incompréhension, malentendus, et actes manqués - la réalisatrice nous offre certes des portraits intéressants, mais en même temps pousse son personnage féminin à des extrémités probablement exagérées.
Si on a tout de suite ‘adopté’ l’actrice qui est (il faut l’avouer) assez exceptionnelle, c’est plus dans le registre exploité, dans la ‘déconstruction ‘ et la perte de repères parfois avec des ‘fulgurances’ de violence de Maria, qu’on pourra regretter la démarche souhaitée par la réalisatrice.
Lilja Ingolfsdottir nous montre ainsi où mènent les refus et les dénis, qu’ils soient en terme de responsabilité ou de remise en question ; et combien en parallèle à cette réflexion générale, en insérant ces parties psychanalytiques qui montrent Maria pousser son mari dans ses retranchements, ces instants où elle refuse toute interaction avec lui ; elle se pose en victime, femme désabusée et prisonnière d’un rôle exclusif, une femme qui se ’veut’ incomprise et inutile.
La frustration et les reproches qui semblent être ici les maitres mots, reflètent cette dimension sociale moderne et les normes (le mot n’est pas exagéré) qui régissent les couples aujourd’hui, leur besoins et leurs envies. Il n’est pas anodin de noter un recul des mariages, quand on se rend compte que beaucoup de couples se séparent pour quelques raisons très précises (intimité, milieu professionnel, parentalité…), des raisons qui ont pris de plus en plus d’importance au fil des décennies.
Mais ici le propos, comme nous l’avons évoqué précédemment, tourne au désavantage de Maria, dans ce qui est clairement devenu l’étude psychiatrique - extrêmement bien menée par la réalisatrice - d’une femme en ‘perdition’ !
‘LOVEABLE’ n’est pas un film qu’on pourrait qualifier « d’attrayant » - ceci étant du en partie à l’antipathie que nous éprouvons pour son personnage - mais passionnant et incroyablement percutant et fin dans l’observation et l’étude comportementale.
Une question que le spectateur se posera sûrement, à la sortie de la projection sur ce portrait remarquable de femme : comment peut-on se sentir aimée lorsqu’on ne se supporte pas ?
Sylvain Ménard, juin 2025