Nous sommes en février 1939. Submergé par le flot des républicains qui fuient la dictature franquiste, le gouvernement Français parque ces hommes, ces femmes, ces enfants dans des camps où règnent la violence, le racisme, la misère, et où rien n’est organisé pour les accueillir. Ils sont 450 000 à traverser les Pyrénées, en plein hiver, pensant trouver un refuge : c’est la Retirada.
Pour retracer le tragique de ces camps, le trait de crayon d’Aurel est noir, les personnages avancent de façon saccadée. Un homme est assis à l’écart des autres, Josep Bartoli, caricaturiste Barcelonais, membre du parti communiste; il s’est engagé à 26 ans dans la défense de la république Espagnole. Il se retrouve dans le camp d’Argelès-sur-mer et ne rêve que de retrouver Maria qui porte leur enfant. Tous ces réfugiés sont derrière des barbelés, gardés par des gendarmes vulgaires, violents. Le trait de crayon se tord, transforme les visages de ces imbéciles, xénophobes, méprisant l’étranger.
Au milieu de ce milieu abject, surgit une figure joviale, celle de Serge, gendarme également. Il éprouve de l’empathie, du respect pour tous ces hommes et va se lier d’amitié avec Josep. En cachette et dans ces conditions, il va donner à Josep Bartoli un bloc note et un crayon qui vont lui permettre de chasser l’ennui en dessinant. Faisant preuve de courage sans le savoir, sans le revendiquer. Apparaissent alors une succession de dessins, des esquisses, parfois des touches de couleur. Des œuvres de Bartoli s’intègrent à ce montage.
Nous suivrons Josep Bartoli au Mexique en 1940 où il devient l’amant de Frida Khalo ; les couleurs deviennent flamboyantes comme l’est Frida, éclatantes comme l’espoir. Puis à New York où il connaîtra la reconnaissance et la gloire.
Pour aborder cette histoire, nous passons par Serge, qui avant de mourir veut raconter à son petit fils cette histoire, non pas pour se glorifier mais parce qu’il a senti en l’adolescent une sensibilité d’artiste et qu’il veut lui remettre un tableau de Josep qu’il a gardé toute sa vie.
Ce film, s’il fait œuvre de mémoire, rend hommage à l’Art graphique. Il m’a touché par ses qualités esthétiques remarquables. Il ne faut pas oublier un casting vocal impressionnant ; le retour à la vie est notamment porté par la voix veloutée de la chanteuse Espagnole, Sylvia Perez Cruz. J’ai trouvé ce film fort et émouvant. Un film sur la mémoire, la transmission.
Marie Claire BERGERE