Le réalisme social qui met usuellement en scène les disparités, les oppositions de toutes sortes ainsi que les problèmes d’intégrations et de communauté, est ici retranscrit dans une adaptation qui se veut respectueuse et néanmoins innovante, s’appuyant sur de jeunes acteurs et un jeu réaliste.
Reconnaissons à la réalisatrice le courage d’avoir porté à notre connaissance ces éléments sur quelque chose de peu connu qui s’est passé au Canada, mais qui ne s’éloigne pas de certains drames qui se passent ailleurs et où nous sommes confrontés à des problématiques similaires. Et voilà, à force de trop tirer sur la corde, on ne peut s’empêcher de se dire que trop de films traitant de sujets similaires avec des actrices et des acteurs aussi bons soient-ils n’en fait pas des chefs d’œuvres, seulement des œuvres relevant du pamphlet.
C’est un acte audacieux que de porter des scénarios de ce type à l’écran et un acte méritant également de dénoncer les abus et les gestes mauvais de ce monde ; mais il n’en demeure pas moins que le sujet - même porté par cette volonté d’adapter Antigone - ne résume pas tout. Il faut déjà avouer que le principe même du remplacement, d’une personne par une autre, n’est pas une nouveauté mais n’avait probablement pas été traité de cette manière avant. Le problème nait bien plus du comportement de ceux qui soutiennent Antigone, du manque de cohérence ou de recul, du manque de respect - chose que la réalisatrice montre bien - et de tout ce qui bâti une société.
On peut tout dire, tout envisager de faire, mais à trop brasser dans de multiples directions, on se perd à chercher ce qui pourrait être reconnu comme positif concernant le personnage d'Antigone. L’empathie, c’est bien cela qui manque…
Et finalement c’était la seule chose qui s’avérait nécessaire afin de pouvoir comprendre ses choix et ses errances ! Le côté partisan est également un des soucis que l’on rencontre, car à trop vouloir « excuser » des actes, même si on traite l’histoire avec à l’esprit cette dimension romantique et romanesque, on se perd de fait, car le monde moderne n’a rien à voir avec ces œuvres du temps passés qui ne sauraient refléter la violence et les incohérences de notre monde actuel ! On aurait sans doute souhaité une prise de position plus ferme de la part de la réalisatrice, car c’est ça aussi le cinéma : donner un avis, trancher, décider d’une direction à prendre, et ne pas laisser le spectateur seul, décider de tout.
Quelques bonnes idées émaillent le film, quelques idées de mise en scène également. Les acteurs sont dans leur grande majorité excellents, une mention spéciale allant à Nahéma Ricci ; et la réalisatrice prend également bien soin d’installer son périple dramatique. On regrettera l’usage des prénoms issus de la pièce qui reste problématique, car en les transposant dans notre vingt et unième siècle cela constitue une gageure et installe une perception par moment trop anachronique et théâtrale.
Le film devrait être sur les écrans à compter du 2 septembre.
Sylvain Ménard, août 2020