Il semble qu’à nos yeux, un montage bien plus court aurait bénéficié au traitement du film et à sa fluidité, la dimension ‘domestique’ liée aux diverses explications (…et trop souvent inutiles), aurait dû quant à elle être coupée ou raccourcie, les petites scènes de vies quotidiennes y gagnant en lisibilité.
S’avérant de ce fait être un film bien trop long, où le réalisateur se complait sans doute à s’envisager dans cette relation, ne faisant malheureusement que poser sa caméra, se filmant lui et Aboubakar à l’envie, mangeant, préparant des lessives, faisant le ménage… ; Aboubakar et moi perd sa part d’humanité et de sincérité.
Puis il se perdra à nouveau en petites scènes de drague, dans ces tentatives faites afin de vivre - au sein d’une épreuve traversée par l’humanité - comme un couple ? C’est alors qu’il devient un film sociétal au sens strict du terme, et avant tout un film personnel car « c’est l’histoire d’un mec » (comme aurait dit Coluche) qui ici ne veut pas rester seul, et en dernier lieu une critique de notre monde.
Défense du droit à être différent, le sujet provoque (notamment dans l’attitude ou les répétitions des propos), on y sent le réalisateur inquiet quant au regard porté sur lui, où lorsqu’il il approfondi ses positions et ce faisant se ‘dilue’ en explications au gré de ces pérégrinations.
Trop long comme évoqué précédemment, le métrage est également bien trop personnel, trop ancré dans cette imagerie par moment forcée, où Rémi Lange est ici un homme seul, en quête d’une rencontre, n’offrant que le portrait d’un homme auto-centré et égoïste.
C’est peut être le sujet, vu au travers de la pandémie ; la pandémie qui est un thème qui ne fera que revenir sur nombre de productions (ce fut le cas sur de nombreuses séries et films l’année précédente) ; qui en soulignant les évidences de la solitude et les dérives de nos sociétés, n’arrive pas à justifier le traitement qui en a fait un film documentaire. Car qu’il s’agisse d’une histoire vraie, vécue et remise en forme (le scénario étant de Rémi Lange et Aboubakar Soumahoro) le format donné au film - celui d’un documentaire, un journal filmé ? - était-il la meilleure des options… plutôt qu’un format plus cinématographique, moins centré comme un autoportrait, plus apte à décrire une romance !?
Au final, Aboubakar et moi est un film manquant cruellement de relief et de propos, ce qui peut s’avérer dommage lorsque comme Rémi Lange on se veut défenseur des causes, celle de l’homosexualité notamment.
Aboubakar et moi
Réalisé par Rémi LangeSynopsis : Pendant le premier confinement de 2020, Rémi, un artiste polyvalent queer, rencontre à la gare Saint-Charles de Marseille un jeune ivoirien, Aboubakar, qui dormait à la rue. Le trouvant plutôt vif, intelligent et drôle, il lui propose de venir s'installer chez lui, un modeste studio de 18 m2 avec balcon. Rémi ne tarde pas à draguer le jeune homme de plus en plus ouvertement. Aboubakar va-t-il céder aux avances insistantes de cet homme dont la sexualité et le mode de vie sont en tous points différents des siens ?
Sylvain Ménard, mai 2022