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Álvaro Gago signe avec ’MATRIA’, un étonnant portait de femme, mais également celui d'une lutte de chaque instant
02 juillet 2024 à 13h20
Au delà d’un portrait de femme extraordinairement porté par l’actrice María Vázquez, nous sommes mis en face d’une réalité - qu’elle soit d’ici ou d’ailleurs - face à des gens qui semblent tout avoir perdu mais qui trouvent le courage de rebondir, de se forger un autre destin que celui qui nous paraît attribué d’office. Dans un monde qui oublie les ‘petits’, les sans grades, ceux qu’on mésestime ; Matria ne joue ni la caricature, ni la facilité. María Vázquez incarne avec puissance, un vrai personnage de femme forte, de femme qui se sacrifie, et de femme qui va jusqu’au bout d’elle même avant de se rebeller.
Si le personnage tel que le montre le réalisateur n’est pas exempt de contradictions - pourquoi tout accepter, comme un déni de sa propre identité ? - qu’est-ce qui nous pousse à tout sacrifier ?… Il pose de la sorte les jalons d’une réflexion qui nous conduit à envisager les interactions du personnage avec les autres, sa ‘fuite en avant’.
Matria est une histoire dont nous, les hommes, ne sortons pas grandis ; maris fainéants, ivrognes, indifférents, et j’en passe ; mais le personnage principal perdu dans sa nervosité, sa violence verbale, son incapacité à accepter parfois les choses et à se battre contre elles, se perd également dans ce qui ressemble à une débâcle psychologique.
C’est ce qui définit le rythme voulu par le réalisateur, rythme que souligne la caméra dans des plans très cadrés, comme si le personnage principal était traqué. Tout cela nous impose peu à peu une surenchère, une accumulation d’évènements, dans un crescendo qui semble ne pas vouloir finir.
Ce métrage fait surgir des noms qui nous viennent de nos mémoires de cinéphiles, comme des similitudes avec d’autres histoires. Nous pouvons citer rapidement des films comme Femmes au bord de la crise de nerfs de Pedro Almodóvar qui est un classique, ou le récent À plein temps de Éric Gravel, deux métrages qui auront su nous offrir une vision de la société et des femmes, une vision spécifique selon le cas.
Cet état d’urgence dans lequel vit Matria, est le pivot du film, celui autour duquel s’articule toutes les décisions bonnes ou mauvaises. Le réalisateur ÁLVARO GAGO semble ainsi nous confirmer qu’il a enfermé son personnage dans une spirale sans fin, dont il doit (pour nous spectateurs) la sortir absolument.
Seule ‘maitre à bord’, seule à pouvoir décider de sa vie, Matria est un personnage comme nous pourrions en rencontrer, avec ses qualités et ses défauts ; et offre un portrait de femme et de son combat dans une société moderne bien peu soucieuse des gens.
Synopsis : Dans un village de pêcheurs galiciens, Ramona est ouvrière. Son usine est rachetée et les salaires sont à la baisse. Quand Ramona se rebelle contre cette ultime humiliation, elle est licenciée sur-le-champ. Prête à tout pour garantir l'avenir de sa fille, elle enchaîne alors les petits boulots à un rythme effréné... mais jusqu'à quand ?
Sylvain Ménard, juillet 2024
Récompenses :
Festival International du Film de Seattle : Prix Spécial du Jury
Festival du Film Espagnol de Málaga : Meilleur Premier Film & Meilleure Actrice
Doublement nommé aux Goyas : Catégories Meilleure Actrice & Meilleur Jeune Réalisateur