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107 MOTHERS, le film coup de poing de Péter Kerekes, arrive sur nos écrans le 14 septembre
13 septembre 2022 à 17h00
Le film 107 MOTHERS, du réalisateur slovaque Péter Kerekes, s’ouvre sur une vision très clinique d’un accouchement surveillé par une gardienne, une scène aussi belle que dérangeante puisque se passant dans un univers carcéral. Ici tout est dit ; le propos est d’évoquer des femmes prisonnières parce que meurtrières ou dangereuses, et c’est leur quotidien de femmes et de mères qui nous est conté.
Plus proche d’un documentaire que d’une fiction, 107 Mothers se déroule au sein de la prison d’Odessa et nous invite à nous pencher sur le sort de femmes prisonnières et devant purger une peine assez longue. La façon dont nous les percevons est ici primordiale, car elles nous sont montrées comme reléguées, censurées ou perdues ; offrant une image du milieu carcéral qui ne peut que souligner la déshérence, l’isolement et la mise à l’écart de tout y compris de la société basique. Et comme par un effet de mimétisme, des prisonnières aux gardiennes, la perception est finalement la même. Car curieusement dans ce milieu féminin, toutes semblent prisonnières qu’elles soient d’un côté ou de l’autre de la barrière, presque compatissantes quant au statut de l’autre.
Entre les entretiens qui paraissent quotidiens, la censure qui impose de tout vérifier, le peu de temps que ces femmes passent avec leurs enfants, 107 Mothers nous apparaît comme une dénonciation, celle de traitements qui nous semblent d’un autre temps, et de la déshumanisation qui en résulte.
Menant un travail d’équilibriste entre ces moments filmés comme un documentaire - à ce titre l’ensemble du film utilise ce cadre spécifique, cette caméra posée, presque figée - nous assistons à la mise en place des pièces de ce drame carcéral, de cette vie d’une rudesse incroyable, sans quasiment aucune perspective.
Certaines scènes peuvent choquer comme cette traumatisante séance où un petit garçon se fait quasiment raser le crâne… et d’autres dans un autre registre, telles ces réunions avec le cabinet du juge à Kiev - en visioconférence - où les décisions sont énoncées comme de simples faits sans humanité ni empathie, et qui prennent alors une toute autre dimension en soulignant l’éloignement des instances et leur désintérêt au final.
Film sombre, 107 Mothers est un témoignage poignant, autant par les images qu’il nous dévoile, que par cette impression d’une époque révolue, où même si la cruauté semble être dans le camp des condamnées (et probablement de leur fait), tout n’est pas si tranché.
Observateur de ce monde, presque en huis clos, des gardiennes aux détenues en passant par les enfants, Péter Kerekes instruit ce procès, celui d’une société tristement monolithique, et peuplée exclusivement de femmes, car 107 Mothers est un film qui gravite autour des femmes. Un mot sur les femmes encore, ici représentées surtout par les actrices Iryna Kiryazeva et Maryna Klimova, toutes deux parfaites dans leur interprétation, chacune d’un côté des barreaux ; sans omettre les autres intervenantes jouées par les gardiennes et les détenues… actrice de leur propre vie !
Un gage d’une certaine authenticité, mais plus que cela, un parti pris qui donne plus de force aux scènes, leur apportant un côté anthropologique que la caméra et le travail de l’image qui renvoient à celui fait sur les documentaires, renforce encore !
Synopsis : Alors quelles sont en prison à Odessa, en Ukraine, des femmes accouchent. Elles doivent alors passer une quarantaine de deux semaines avant de retrouver leurs enfants, qu’elles pourront ensuite allaiter et voir régulièrement, jusqu’à l’âge de 3 ans, au delà duquel ils devront être confiés à un proche ou placé en orphelinat…
107 MOTHERS (Cenzorka), durée : 1h33mn
Co-production entre la Tchèquie, la Slovaquie et l’Ukraine
Réalisateur : Péter Kerekes
Acteurs : Maryna Klimova, Iryna Kiryazeva, Lyubov Vasylyna
Genre : Drame carcéral
Nationalité : Tchèque, Slovaque, Ukrainien
Distribution : Les Alchimistes
Festival : Festival de Venise 2021, Les Arc Film Festival 2021
Sylvain Ménard, septembre 2022