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Le Salon de musique de Satyajit Ray en version restaurée ressort le 25 janvier

23 janvier 2023 - 11:30
Film crépusculaire d’une lenteur qui renforce l’impression de déclin et d’inéluctabilité, ce film offre la vision d’une Inde qui change, d’une Inde où les souvenirs d’un passé opulent côtoient les problèmes sociaux et l’émergence d’une nouvelle classe, souvent décriée par le réalisateur : la bourgeoisie.
Ce film à découvrir à l’occasion de sa restauration, est signé Satyajit Ray, le grand maitre du cinéma indien et date de 1958. Le Salon de musique est une œuvre incontournable qui mêle la nostalgie, la douleur et l’amour fou de la musique, de cette musique traditionnelle indienne.
Ce quatrième film du plus iconique des réalisateurs indiens - pour ne pas oser prétendre qu’il est sans doute le plus connu, parce que classique sans doute, tout du moins aux yeux des occidentaux - est une merveille, sombre sans doute, langoureuse et nonchalante, et fort curieusement moins connue si on la compare à la fameuse trilogie d’Apu ! S’ancrant dans cette démarche toujours réaliste que Satyajit Ray a développé dès ses débuts, Le Salon de musique est d’une sobriété incomparable que le noir et blanc magnifie tandis que la caméra l’accompagne de mouvements nonchalants. Triste histoire que celle d’un homme se laissant glisser doucement vers le néant, le film offre à nos yeux un personnage aux antipodes de beaucoup d’autres, et malgré son austérité et sa supériorité ne nous laisse pas indifférent, nous inspirant une tendresse particulière, de la compassion, face à l’abime de sa solitude.
Cette solitude finalement est autant humaine (après la perte des siens) que sociale (avec l’avènement de ces « nouveaux riches », les bourgeois) et constitue de la sorte une critique (amère ?) de l’Inde.
Aussi ce film donnerait-il l’impression par moment d’être un film testament, celui d’un pays qui change, d’un pays dont on sent bien que le modernisme et les changements de la société indienne, occasionnent nombre de heurts, nombre de constats douloureux. Après la grandeur et ses excès, vient le temps de la peur de perdre plus, et se pose la question lancinante : au profit de quoi ? Entre les provocations maladroites, la rancœur et la bassesse d’un Mahim Ganguly, et la non-existence d’un vieil homme triste, Biswambhar Roy, se raccrochant à son éducation et son statut supérieur ; Satyajit Ray pose un regard doux-amer sur son pays.
Ce portrait d’une Inde qui mute, vue au travers du prisme de la musique, est un fabuleux voyage dans les méandres d’une culture qui va de changement en changement, entre le modernisme, l’abandon de certaines traditions et l’arrivée d’une nouvelle classe. Parcouru de beaux moments et d’une nostalgie omniprésente, ce film est un hommage à une culture autre que la nôtre, une culture à découvrir pour ceux qui ne connaitraient pas Satyajit Ray.
J’en ai vu pour ma part certains, probablement trop jeune ; le monde changeant à une telle vitesse, la perception en serait peut être différente si je le découvrais aujourd’hui… Et la découverte de celui-ci, cette œuvre si belle (et triste) m’a enchanté ! … qui a dit qu’on ne changeait pas ?
Synopsis : Alors que son voisin s’apprête à donner une fastueuse réception en l’honneur de l’initiation de son fils, Bishwambhar Roy, un vieillard aigri et esseulé, se remémore la fête qu’il a autrefois donnée pour célébrer celle de son défunt fils Khoka. Suite à ce drame, il a laissé sa splendeur décliner. Courroucé par les attitudes de nouveau riche de son voisin, l’usurier Mahim Ganguli, Bishwambhar Roy décide d’inviter les meilleurs musiciens, espérant ranimer l’éclat de son salon et humilier son rival.
Fiche technique et artistique
Réalisateur : Satyajit Ray
Scénario : Satyajit Ray d'après le roman de Tarashankar Bandopadhyay
Musique : Vilayat Khan
Photographie : Subrata Mitra
Montage : Dulal Dutta
Production : Satyajit Ray
Distribution
Chhabi Biswas : Huzur Biswambhar Roy
Padma Devi : Mahamaya, la femme de Roy
Pinaki Sengupta : Khoka, le fils de Roy
Gangapada Basu : Mahim Ganguly
Tulsi Lahiri : l’intendant
Waheed Khan : Ustad Ujir Khan, chanteur
Roshan Kumari : Krishna Bai, danseuse
Begum Akhtar : Durga Bai, chanteuse
Sylvain Ménard, janvier 2023