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FRITZI, LE FILM D'ANIMATION : UNE RÉUSSITE, UNE BELLE HISTOIRE
21 novembre 2020 à 17h00
Fritzi, ce beau film d’animation allemand devait sortir le 4 novembre de cette curieuse année. Souhaitons qu’il puisse dès que possible se retrouver sur les écrans, car il s’agit d’un film sensible qui évoque les problématiques de l’Allemagne précédant la chute du Mur de Berlin, et la vie des allemands dans une petite ville de RDA.
Co-production entre l’Allemagne, la Belgique, le Luxembourg et la République Tchèque, Fritzi est réalisé par Ralf KUKULA et Matthias BRUHN. Cette histoire se passant dans une petite ville frontalière entre la RDA et la RFA, fait échos à nombres de récits et est, pour les réalisateurs, une exercice de mémoire, une page de l’histoire de leur pays qu’ils souhaitaient faire partager au plus grand nombre. Baigné de jolies couleurs, allant de tons assez neutres et minimalistes (les rues, certains endroits comme les bureaux, la salle de classe) jusqu’à de superbes couleurs pastels (l’arbre dans la cour ou certains paysages), le métrage nous invite à assister à ces aventures qui loin d’être enfantines, confronterons notre jeune héroïne à la vie, à ses peurs et ses désespoirs avec cette question lancinante : que se passe t-il si l’on arrive à franchir le mur ? Du point de vue de cette enfant, la question ne fait que souligner les divergences qui existent entre certains adultes, entre ceux qui ne peuvent que subir et ceux qui décident d’agir. Se déroulant quelques semaines, quelques jours avant la chute du mur, c’est l’occasion d’esquisser des personnages qui oscillent entre le bon et le mauvais, de l’homme de la Stasi, à ces manifestants, en passant par les enfants eux mêmes, perdus entre ces deux factions, ou encore la vieille professeure, perdu quant à elle dans ses contradictions intimes.
Techniquement le film est une jolie réussite, alliant un charactère-design efficace et élégant à des décors aux tons pastels et au trait réaliste. L’intégration des personnages (notamment les scènes de foules) et la qualité de ces décors renvoient à une réalité que les allemands ont connu. C’est également au travers de l’architecture triste et rigide - les rues étroites, les tons maussades des bâtiments - et ces véhicules tellement représentatifs de cette époque, que notre mémoire est sollicitée, et que s’établit ce lien avec les personnages principaux. S’il est une évidence qui nous apparaît sans doute de plus en plus, c’est bien cette dissension au sein d’un peuple que créa cette séparation en deux blocs. Ce qui curieusement devient visible sur des séries policières récentes (Criminal sur Netflix, une série policière européenne), est ici encore plus visible car on parle de la Chute du Mur de Berlin, soit en 1989 ! Le travail de mémoire - il s’agit bien de ça - est bien l’objet de ce film, la trame relève du drame, l’histoire est celle de gens qui d’une façon ou d’une autre ont pâti de décisions prises à leur encontre, d’une forme de dictature.
Fritzi est donc sans doute un film « actuel », parlant de ces enjeux sociaux et purement humains, qui par le biais de cette image renvoyée par ces deux Allemagne nous permettra de développer une réflexion sur les errements, les actes gratuits de la Stasi (le Ministère de la Sécurité d'État), les dénonciations et autres. Cette dimension précise est importante dans le dessin animé, car les « personnages » sont en butte à un système intransigeant et répressif. Dans le monde d’aujourd’hui, il n’est finalement pas étonnant de constater ce besoin de comprendre, de retrouver ses racines, d’observer avec un peu de recul ce qui a fait notre histoire.
La grande réussite de ces deux réalisateurs est aussi d’avoir su s’affranchir des schémas imposés, du dictat de la 3D, de la mise en scène bâclée et sans âme… et en cela Fritzi est une vraie réussite. Aussi saluons ce vent frais qui souffle sur l’animation européenne, loin des grands studios, loin de ces images statiques ou faciles avec cette histoire complexe et prenante.
Synopsis : Leipzig, Allemagne de l’Est, 1989. Pendant l’été, Sophie, la meilleure amie de Fritzi part en vacances en lui confiant son chien adoré, Sputnik. A la rentrée des classes, Sophie est absente et sa famille a disparu. Avec Sputnik, Fritzi entreprend de traverser clandestinement la frontière pour retrouver celle qui leur manque tant. Une aventure dangereuse.… et historique !
Sylvain Ménard, novembre 2020